BUREAU D'ARBITRAGE DES CHEMINS DE FER DU Canada

CAUSE Nº 3249

entendu à Montréal, le jeudi, le 11 avril 2002

opposant

CANPAR

et

UNITED STEELWORKERS OF AMERICA (LOCAL 1976)
(TRANSPORTATION COMMUNICATIONS UNION)

LITIGE :

Congédiement de Monsieur Sylvain Lamarche.

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

Le 8 janvier 2002 M. Lamarche a reçu un avis d’entrevue pour « l’incident du 7 janvier dans le camion 877140 pour votre implication des colis ouverts ». Le 9 janvier 2002 M. Lamarche s’est présenté à l’entrevue. Le 18 janvier 2002 M. Lamarche a été congédié.

Le syndicat a déposé un grief réclamant la réintégration de Monsieur Lamarche avec tout le salaire perdu ainsi que les bénéfices. Le syndicat considère que le congédiement est injuste. Le syndicat considère aussi que la compagnie ne s’est pas déchargée son fardeau de preuve.

La compagnie a refusé le grief.

POUR LE SYNDICAT :                                          POUR LA COMPAGNIE :

(SGN.) D. NEALE                                                      (SGN.) P. D. MACLEOD

PRÉSIDENT GÉNÉRAL                                                                            VICE-PRÉSIDENT – EXPLOITATION

Représentaient la Compagnie :

C. Lecorre                           – Avocat

R. Dupuis                           – Directeur régional, Lachine

N. Nicolai                           – Superviseur

R. Gloutnay                        – Superviseur, Préventions des pertes

Et représentaient le Syndicat :

R. Pagé                               – Permanent Métallos

N. Lapointe                        – Présidente du Local 1976

R. Pichette                          – Représentant syndical, Montréal

S. Lamarche                       – Plaignant


SENTENCE ARBITRALE

Le plaignant, M. Sylvain Lamarche, a été congédié de son emploi comme gareur de camions à l’entrepôt de la compagnie à Montréal, pour tentative de vol.

La preuve établit qu’un des clients de l’employeur, la compagnie Kanuk, fabricant de manteaux d’hiver à Montréal, s’était plaint en décembre 2001 que ses manteaux se faisaient voler pendant qu’ils étaient confiés à la compagnie pour livraison. Comme des boîtes de manteaux avaient été trouvées partiellement dévalisées au moment de leur réception chez des destinataires commerciaux de Kanuk dans plusieurs villes du Québec, la compagnie en est venu à la conclusion qu’en toute probabilité les vols étaient commis aux point central du terminal de Montréal. C’est donc à cet endroit qu’elle a demandé au superviseur à la prévention de pertes, M. Rolland Gloutnay, de faire une surveillance particulière des produits Kanuk qui passaient par le terminal.

Un rapport déposé par M. Gloutnay ainsi que sa preuve dans une séance disciplinaire établissent que vers 16 h 45 le soir du 7 janvier 2002 il a vérifié le contenu du camion 877140 stationné à la porte 32 de l’entrepôt. Le camion contenait plusieurs boîtes de produits Kanuk qui, selon M. Gloutnay, étaient alors en bon état. Plus tard, vers 18 h 30 il a vu le même camion stationné au milieu de la cour du côté nord de l’entrepôt, toutes lumières éteintes. Quand il s’est approché pour inspecter le véhicule à nouveau il a vu le plaignant qui sortait de la boîte du camion, vers la cabine du chauffeur, avec un manteau et un foulard dans les mains. M. Lamarche lui à alors dit qu’il venait de découvrir des manteaux et des foulards répandus sur le plancher de la boîte du camion. Il semble que M. Lamarche a alors allumé la lumière à l’intérieur de la boîte du camion où se trouvaient, entre autres, plusieurs boîtes de produits Kanuk. Elles avaient été ouvertes minutieusement au couteau mince, et refermées au ruban gommé, mais avec un seul manteau à l’intérieur. Le tout donnait aux boîtes une apparence normale qui ne soulèverait aucun soupçon quant à leur état.

Après enquête, la compagnie a congédié M. Lamarche pour tentative de vol. Ayant examiné de près la preuve dans ce dossier, l’arbitre est d’avis que la décision de l’employeur était justifiée.

Il est vrai, comme le souligne le représentent syndical, que le fardeau de la preuve tombe sur l’employeur en ce qui concerne un congédiement pour motifs disciplinaires. Il est aussi bien établit que le standard de la preuve est élevé dans la mesure où la conduite prétendue de l’employé peut comporter un aspect criminel ou quasi- criminel (BACFC 3227). Mais, en revanche, il incombe également à un employé qui se trouve dans une situation compromettante de donner une explication claire et convaincante pour écarter une conclusion raisonnable de sa culpabilité.

Malheureusement, l’explication du plaignant laisse beaucoup à désirer. Premièrement, sa déclaration qu’il a sorti le camion de la porte 32 pour le faire remplir d’essence, pour ensuite le stationner dans la cour, est tout au moins curieuse. Il est convenu que s’il y avait eu un petit nombre de colis dans le camion la routine aurait voulu que M. Lamarche décharge les colis du camion avant de le sortir de la porte 32 pour faire le plein d’essence et ensuite le stationner dans la cour pour la nuit. Mais de son propre aveu, le plaignant n’aurait même pas vérifié le contenu de la boîte du camion avant de le sortir de l’entrepôt.

Il relate que son intention était de vérifier le contenu du camion une fois stationné, et d’en transférer le contenu dans un autre camion pour être déchargé plus tard dans la soirée. Il prétend qu’il ne voulait pas prendre le temps de décharger le camion à la porte 32 pour que la porte soit libérée pour le retour des deux camions qui avaient l’habitude d’occuper cette porte là en fin de journée. Mais l’arbitre trouve difficile à comprendre pourquoi il ne se serait pas donné la peine d’ouvrir la porte du cloison entre la cabine et la boîte du camion pour au moins constater de combien de colis il s’agissait. Selon sa propre preuve, il était fort possible que le nombre de colis à l’intérieur soit très petit, ce qui aurait occasionné un délai de quelques minutes seulement. Par contre, la façon de faire qu’il a adopté aurait pu, en fin de compte, s’avérer nettement moins efficace.

Deuxièmement, la preuve soulève des doutes relativement à l’explication de M. Lamarche en ce qui à trait au remplissage du réservoir d’essence du camion. Il est convenu que les deux gareurs de camions sur le quart du soir se servent d’un lecteur informatisé pour enregistré le nombre de litres d’essence déposées dans chaque camion. Mais la documentation imprimée des lecteurs utilisés pour le camion en question ne donne aucune indication d’un ajout d’essence le soir du 7 janvier 2002. M. Lamarche prétend qu’il aurait pu avoir de la difficulté avec le lecteur, et dans les circonstances aurait tout simplement noté l’acquisition d’essence sur une feuille dans le poste de remplissage. Mais selon la preuve du superviseur M. Nino Nicolai, qui est responsable des données sur l’usage de l’essence, il n’y a pas de système de feuille pour enregistrer les transferts de pétrole. Selon lui, si un lecteur est défectif, ce qui peut arriver, les gareurs en obtiennent un autre du bureau, ce qui peut prendre moins d’une minute. Il insiste que dans les dossiers de la compagnie n’y a pas d’autre façon d’enregistrer les transferts d’essence.

Plus est, les données tirées des lecteurs pour la période en question, soit entre 17 h 37 et 18 h 33 le 7 janvier, tendent à confirmer que le lecteur dans la cabine à essence fonctionnait bien. Selon les lecteurs, les remplissages d’essence ont été effectués régulièrement, à des intervalles entre camions moyennant environ sept minutes. Dans ces circonstances l’arbitre trouve difficile de croire qu’il y aurait eu un problème de lecteur qui n’aurait pas été corrigé presque immédiatement par une substitution de lecteur. Compte tenu du fait que deux gareurs utilisaient la pompe à essence, et que certaines des intervalles étaient de plus de 10 minutes, il est plausible que le plaignant ait pu se permettre une absence d’une quinzaine de minutes, le temps nécessaire de dévaliser et de refermer les cartons de manteaux et de foulards. Par contre, il est beaucoup moins probable que la tentative de vol dans le camion ait pu prendre place pendant que le camion était stationné à la porte 32, à quelques pas seulement du site de travail d’un superviseur et là où un bon nombre d’employés travaillaient ou pouvaient passer régulièrement. M. Lamarche était le seul qui avait un accès légitime au véhicule pendant toute la période en question.

Le dernier facteur suspect est la circonstance dans laquelle le camion en possession de M. Lamarche se trouvait au moment de la deuxième inspection de M. Gloutnay. Il n’est pas contredit que lorsque le superviseur s’est approché du camion il était stationné en plein milieu du terrain de stationnement, immobile et sans aucune lumière allumée. M. Gloutnay et M. Lamarche ont tous les deux sursauté quand le superviseur a surpris le plaignant dans la boîte du camion, plongé en noirceur. Il est difficile de comprendre pourquoi le véhicule serait resté sans éclairage et de toute évidence inoccupé pendant toute l’approche de M. Gloutnay, et pourquoi M. Lamarche se trouvait en pleine noirceur à l’intérieur de la boîte du camion, si ce n’était que pour faciliter l’accomplissement d’un projet sinistre.

À la lumière de la totalité de la preuve, et de ce que l’arbitre juge être une explication nettement insuffisante de la part de M. Lamarche, je suis d’avis que l’employeur avait raison de conclure que le plaignant était responsable d’une tentative de vol. En tant que gareur il pouvait circuler comme il voulait à l’extérieur de l’entrepôt. Il avait libre accès à l’endroit du stationnement de sa propre voiture situé dans le même enclos, ainsi qu’aux limites les plus obscurcies de la clôture qui entoure les lieux de travail. La conclusion la plus probable serait qu’il a été découvert par M. Gloutnay, par pure chance, en pleine tentative de vol. Comme un tel geste est carrément incompatible au lien fondamental d’honnêteté essentiel à la relation entre employeur et employé, malgré les vingt ans de service de M. Lamarche, son congédiement était justifié, et ne devrait pas être dérangé par un arbitre.

De plus, l’arbitre ne peut accueillir l’objection du syndicat relativement au prétendu dérogenent aux dispositions de l’article 6.2 de la convention collective concernant l’enquête disciplinaire. Il est vrai que le rapport écrit de M. Gloutnay n’a pas été fourni au syndicat avant l’enquête. Mais le rapport lui même n’est pas essentiel à l’enquête, parce que la compagnie a jugé bon d’accordé au syndicat la présence à l’enquête de M. Gloutnay, qui a répété le même rapport verbalement. Le syndicat avait alors le plein avantage de l’article en autant que les représentants syndicaux avaient la chance de lui poser des questions. Dans ces circonstances, il semble à l’arbitre qu’en fin de compte le plaignant a bénéficié pleinement des droits prévus à l’article 6.2 de la convention collective.

Pour tous ces motifs, le grief doit être rejeté.

Le 15 avril 2002                                                                                                                                (signed) MICHEL G. PICHER

l’Arbitre