BUREAU D'ARBITRAGE DES CHEMINS DE FER DU CANADA

CAUSE NO. 3327

entendu à Montréal, mercredi, le 12 mars 2003

concernant

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

et

LA FRATERNITÉ DES INGÉNIEURS DE LOCOMOTIVE

REQUÊTE ÉMANANT D'UNE SEULE PARTIE
 

LITIGE - PAR LA FRATERNITÉ :

Le litige s'est produit quand la Compagnie a appelé une équipe du troisième district d'ancienneté pour remplacer une équipe du deuxième district qui prenait leur repos sur un tour de service du deuxième district.

LITIGE - PAR LA COMPAGNIE :

Utilisation d'un ingénieur de locomotive du 3e district d'ancienneté pour remplacer un ingénieur de locomotive du 2e district d'ancienneté sur le train 784 du 23 février 2000.

EXPOSÉ DU CAS PAR LA FRATERNITÉ :

Le 23 février, 2000, l'équipe du deuxième district travaillant sur le Train 784 entre Joffre et Rivière des Prairies s'inscrivait pour prendre du repos en route. La Compagnie a appelé une équipe du troisième district pour la remplacer à St-Lambert.

Selon l'Article 43.2 de la convention collective et le "Montreal agreement", l'ingénieur du deuxième district avait le droit et l'exclusivité sur ce tour de service du deuxième district.

La Fraternité prétend que le refus de la Compagnie de payer la réclamation selon l'Article 61.1 n'est pas justifié.

La Compagnie n'est pas prête a changé sa position dans ce cas.

EXPOSÉ DU CAS PAR LA COMPAGNIE :

Le 23 février 2000, M. Poirier était en service non assigné et inscrit sur le tableau de remplacement des ingénieurs de locomotive du deuxième district d'ancienneté. Le 23 février 2000, l'équipe sur le train 784 en provenance de Joffre s'est arrêté au triage de St-Lambert pour prendre une période de repos. Une équipe du troisième district d'ancienneté fut appelée pour remplacer l'équipe de Joffre.

M. Poirier affirme qu'il aurait dû être appelé sur le train 784 et prétend qu'il faisait l'objet d'un tour de service non respecté en vertu de l'article 61.1 de la convention collective 1.1.

Le Syndicat prétend que M. Poirier a droit à cette réclamation en vertu du paragraphe 43.2 de l'article 43 de la convention collective 1.1.

La Compagnie n'est pas d'accord et rejette les allégations du Syndicat.

POUR LA FRATERNITÉ :
(SGN.) R. LECLERC
PRÉSIDENT GÉNÉRAL

POUR LA COMPAGNIE :
(SGN.) D. LAURENDEAU
POUR : LE PREMIER VICE-PRÉSIDENT, DIVISION DE L'EST DU CANADA

Représentaient la Compagnie :

D. Laurendeau
D. Parent
C. Parent
G. Pelchat

- Directeur - Ressources humaines, Montréal
- Superviseur - Transport
- Stagiaire
- Stagiaire

Et représentaient la Fraternité :

R. Leclerc
A. Picard

- Président général, Grand Mère
- Président local, Div. 91, Montréal

 

SENTENCE ARBITRALE

La fraternité s'objecte à l'usage d'une équipe de triage qui comprenait un ingénieur de locomotive provenant du groupe d'ancienneté du 3e district d'ancienneté pour acheminer le parcours d'un train Ultramar, provenant de Joffre, entre le triage St-Lambert et sa destination ultime, le triage de Rivières des Prairies.

Son représentant soutient que, selon les dispositions de l'annexe 77 de la convention collective, le travail en question appartient exclusivement à un ingénieur de locomotive du 2e district d'ancienneté. La fraternité réclame le dédommagent de M. Robert Poirier, du 2e district, en vertu de l'article 61.1 de la convention collective.

Les faits pertinents au litige sont convenus. Depuis 1995 la compagnie offre un service particulier à ses clients, connu sous le nom du train Ultramar. Le train en question circule entre les triages de Joffre et Rivières des Prairies, sur une distance de 207 milles. Pour ce faire le train doit passer dans le périmètre de manœuvre du complexe ferroviaire de Montréal. Comme le trajet exige plus de 10 heures, les parties ont convenu de permettre à l'équipe de ligne en charge du train Ultramar de travailler une journée allongée de 11 heures. À cet effet, l'annexe 77 se lit comme suit :

La présente fait suite à nos discussions sur le nouveau contrat de transport, d'une importance cruciale, conclue avec Ultramar, qui porte sur la liaison Saint-Romualt-Montréal. Comme vous le savez, ce contrat peut déboucher sur de nouveaux marchés grâce à ce client et à d'autres expéditeurs faisant appel au chemin de fer pour desservir ce marché très localisé. Toutefois, la rentabilité d'une telle opération exige le recours à une équipe réduite au seul chef de train, quelles que soient les tâches à exécuter, et c'est là une condition essentielle. De plus, cette desserte, en raison de la longueur du parcours, nécessite une journée allongée à 11 heures avant que le ou la chef de train ait la possibilité de s'inscrire en repos.

Les deux parties ont convenu qu'ils s'agissait là d'une occasion unique pour la compagnie d'améliorer son exploitation dans l'Est canadien en obtenant de nouveaux contrats, et elles se sont déclarées d'accord pour que les conditions mentionnées ci-dessus soient appliquées. Elles ont exprimé l'espoir que des initiatives de cette nature, entreprises dans un esprit de coopération, puissent mener à de nouveaux débouchés.

Veuillez agréer, Messieurs, mes salutations distinguées.

Le 23 février 2000 l'équipe de train affectée au train 784, un train Ultramar, s'est trouvée incapable d'atteindre Rivières des Prairies au dedans de la limite prévue de 11 heures. La compagnie a donc été obligée de remplacer l'équipe en cour de route, au triage de St-Lambert, situé au dedans du périmètre de manœuvre du complexe ferroviaire de Montréal. Elle recourait alors au service d'une équipe en service de manœuvre composée en partie d'un ingénieur de locomotive du 3e district d'ancienneté. À ce moment là M. Poirier était inscrit au premier rang du tableau de remplacement des ingénieurs de locomotive du 2e district d'ancienneté à Montréal.

La fraternité considère que pour les fins d'un train Ultramar le tronçon de territoire entre le triage St-Lambert et Rivières des Prairies est pour toutes fins pratiques l'équivalent d'une ligne principale et que le travail relativement au mouvement du train en question appartient donc exclusivement aux ingénieurs de locomotive du 2e district, même si le territoire en question appartient au 3e district. En appui, son représentant attire l'attention de l'arbitre sur les dispositions de l'article 43.2 de la convention collective qui se lit, en partie, comme suit :

43.2

...

Nota : Les ingénieurs de locomotive du deuxième district d'ancienneté ont le droit de conduire leurs trains dans le troisième district d'ancienneté entre :

...

(3.) Pointe-aux-Trembles et Longue-Pointe.

Selon la fraternité, ces dispositions donnent au membres du 2e district des droits exclusifs d'opérer leur trains entre EJ Tower et Pointe aux Trembles.

L'arbitre ne peut accueillir la position de la fraternité. Dans un premier temps, ni l'annexe 77, ni l'article 43.2 fait mention de droits exclusifs sur les territoires en question. Comme le souligne le représentant patronal, l'annexe 77 n'était pas nécessaire pour permettre le passage d'un train Ultramar jusqu'au triage de Rivières des Prairies. Le libellé de l'annexe 77 établit deux conditions qui expliquent la raison d'être de cette l'annexe : premièrement que l'opération nécessite une équipe réduite et, deuxièmement, que la journée est allongée à 11 heures avant la possibilité de s'inscrire en repos. L'annexe ne traite aucunement de l'exclusivité du territoire parcouru.

L'article 43.2 se divise en deux parties. Le premier paragraphe décrit le territoire qui appartient exclusivement au 2e district, par exemple " De Rivières-du-Loup à Montbec jonction via Lévis ", etc . Par contre, la " Nota " sert à clarifier que nonobstant les limites du premier paragraphe, les ingénieurs de locomotive du 2e district ont un droit de passage dans le 3e district d'ancienneté, sur les territoires spécifiquement identifiés. L'arbitre ne voit rien dans le libellé de ces dispositions qui puisse élever un droit de passage au niveau d'un droit exclusif d'opération sur les territoires désignés, même relativement à leur trains.

À mon avis, l'article 41.5 de la convention collective jette une lumière importante sur le débat en l'espèce. Cet article se lit en partie :

41.5 (a) Afin d'assurer un service de transport approprié, les équipes de manœuvre peuvent être utilisées jusqu'à 25 milles hors du périmètre de manœuvre établi.

...

Service de secours

(e) Pour l'application du paragraphe 41.3 de la convention collective 1.1 et du paragraphe 37.1 de la convention collective 4.16, des équipes de manœuvre peuvent être utilisées pour acheminer des trains jusqu'à la gare sur une distance de 50 milles, pourvu que ce soit uniquement pour porter secours à des trains avariés ou dans l'incapacité de se rendre à la gare avant l'expiration des heures de services.

Le paragraphe (e) de l'article 41.5 s'adresse carrément aux circonstances du dossier qui nous occupe, c'est à dire le secours du train 784 le 23 février 2000 à St-Lambert, en raison de l'expiration des heures de service de son équipe de ligne. L'équipe de manœuvre du 3e district avait alors le droit d'opérer des trains en service de secours à une distance de 50 milles à l'extérieur du périmètre de manœuvre. De surcroît, elle avait sûrement le droit d'être affectée à une opération de secours au triage St-Lambert, qui est situé au dedans du périmètre de manœuvre, pour opérer le train sur un territoire qui appartient au 3e district d'ancienneté.

En somme, la fraternité voudrait que l'arbitre accorde aux dispositions de l'article 43.2 de la convention collective, qui établissent seulement un droit de passage, la force d'un droit exclusif d'opération de certains trains sur les territoires en question. Mais il n'y a rien dans l'annexe 77, ni ailleurs dans la convention collective, qui donnerait un tel droit aux membres du 2e district d'ancienneté. À la lumière des dispositions de la convention collective examinées, et en l'absence de dispositions claires et non-équivoques au contraire, l'arbitre ne peut peut donner raison à la fraternité.

Pour ces motifs le grief doit être rejeté.

Le 14 mars 2003

L'ARBITRE

(signé) MICHEL G. PICHER