BUREAU D'ARBITRAGE DES CHEMINS DE FER DU CANADA

CAUSE NO. 3389

entendu à Montréal, le jeudi, 11 décembre, 2003

concernant

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

et

LA FRATERNITÉ DES INGÉNIEURS DE LOCOMOTIVE

EX PARTE

LITIGE:

Le litige qui est référé à l'arbitre implique un employé qui est couvert par la convention collective 1.1 entre la Compagnie et la Fraternité et qui gouverne les termes et conditions d'emploi des ingénieurs de locomotives qui travaillent au Canadien National - Lignes de l'Est. Le litige est au sujet des modifications apportées a l'opération qui provoque des effets défavorables que doivent subir nos membres suite au non-respect de l'avenant.

EXPOSÉ DU CAS PAR LA FRATERNITÉ :

Le 8 août 2003, la Compagnie avise par téléphone qu'elle va procéder à des modifications d'opération et que cela entraînerait la création de gare secondaire.

Les modifications furent mises en place sans la participation de la Fraternité et sans aucun accord au sujet des accommodations et des déplacements.

Le 8 août 2003, la Compagnie fait parvenir su Syndicat deux Articles 78, ainsi qu'un avis au sujet de la création de terminus d'attache secondaire.

La Fraternité maintient que les modifications ont été misent en place en violation de la convention collective.

La Compagnie rejette le grief.
 

POUR LA FRATERNITÉ :
(SGN.) R. LECLERC
PRÉSIDENT GÉNÉRAL

Représentaient la Compagnie :

D. Laurendeau
C. Richer
M. LeBlanc

- Directeur, Ressources humaines, Montréal
- Superviseur général, Montréal
- Superviseur, Montréal

Et représentaient la Fraternité :

R. Leclerc
J. Bechard
R. Bertrand

- Président Général, Grand-Mère
- Président, CLDA DIV 885, Garneau
- Plaignant

 

SENTENCE ARBITRALE

Cet arbitrage comprend un grief concernant deux avis envoyés conformément à l'article 78 de la convention collective et un autre avis relativement à la création de certaines gares secondaires. La Fraternité prétend que dans les trois cas la Compagnie a enfreint les dispositions de la convention collective.

Avant de se pencher sur les faits, il est utile de noter les dispositions pertinentes de l'article 78 de la convention collective, qui se lit, en partie, comme suit :

78.1 Avant d'effectuer des suppressions d'arrêts de relève, des changements, des fermetures de gare d'attache (y compris celles découlant de la vente d'une ligne) ou des changements d'ordre technologique ayant des effets nettement défavorables sur les membres du personnel,

a) la Compagnie informe le Syndicat, par un préavis d'au moins 180 jours, de tout changement du genre prévu et en fournit la description complète, avec des informations détailles sur les changements éventuels aux conditions de travail; et

b) la Compagnie négocie avec le Syndicat des mesures visant à réduire les plus possible les effets nettement défavorables des changements prévus touchant les membres du personnel, ces mesures ne devant pas inclure de modifications dans les échelles de salaires.

c) Bien qu'elles ne scient pas nécessairement les seules, les questions considérées comme négociables dans le cas des parcours sans arrêts de relève et des autres changements décrits dans le présent paragraphe 78.1 comprennent notamment :

1) Le choix du moment approprié
2) L'echelonnement approprié
3) Les heures de services
4) La péréquation des milles
5) La répartition du travail
6) Le logement approprié
7) L'affichage
8) Le régime d'ancienneté
9) L'apprentissage du parcours
10) Le recours à l'attrition
11) La cessation d'emploi différée

Nota : Aux fins du présent article, la gare d'attache est la gare où l'on maintient un tableau de remplacement et (ou) à partir de laquelle la relève est assurées.

78.2 Dans tous autres cas où des changements importants aux conditions de travail peuvent avoir des effets nettement défavorables sur les membres du personnel et que ces changements sont dus uniquement à l'initiative de la Compagnie,

a) celle-ci informe le Syndicat, par un préavis d'au moins 120 jours, de tout changement du genre prévu et en fournit la description complète, avec des informations détaillées sur les changements éventuels aux conditions de travail; et

b) la Compagnie négocie avec le Syndicat des mesures visant à réduire le plus possible les effets nettement défavorables des changements prévus touchant les membres du personnel, ces mesures ne devant pas inclure de modifications dans les échelles de salaire ni dans le niveau ou l'applicabilité des avantages prévus aux paragraphes 78.8 à 78.13 inclusivement.

c) Bien qu'elles ne soient pas nécessairement les seules, les questions considérées comme négociables dans le cas des changements décrits dans le présent paragraphe 78.2 comprennent notamment :

1) Le choix du moment approprié
2) L'echelonnement approprié
3) Les heures de services
4) La péréquation des milles
5) La répartition du travail
6) Le logement approprié
7) L'affichage
8) Le régime d'ancienneté
9) L'apprentissage du parcours
10) La cessation d'emploi différée

78.3 a) Les négociations dont il est question au paragraphe 78.1 ou 78.2 doivent débuter dans les 20 jours qui suivent la date de préavis prévu au paragraphe applicable.

b) Si les négociations n'aboutissent pas à une entente dans les 60 jours civils suivant leur début, la question ou les questions restant en litige doivent, dans les 20 jours qui suivent la rupture des négociations, être renvoyées pour médiation à un Bureau de révision formé de deux cadres supérieurs de chaque partie.

78.4 a) Le Bureau de révisions, établi conformément à l'alinéa 78.3 b) formule ses constations et recommandations dans un délai de 30 jours. S'il est incapable de prendre une décision ou si ses recommandations ne conviennent pas à l'une des parties, la ou les questions restant en litige peuvent être soumises par l'une ou l'autre des parties à un arbitre unique dont la décision est définitive et exécutoire pour chacune des parties.

b) La demande d'arbitrage doit être faite par écrit par l'une des parties à l'autre partie dans les sept jours qui suivent les conclusions de Bureau de révision. Si les parties ne parviennent pas à s'entendre sur le choix d'un arbitre dans les sept jours suivant la demande d'arbitrage, l'une des parties ou les deux doivent demander au ministre du Travail d'en désigner un.

c) Les parties en cause préparent un exposé conjoint de la question ou des questions restant en litige et le soumettent à l'arbitre. L'arbitre entend l'affaire dans les 30 jours qui suivent sa nomination et rend la décision par écrit, en la motivant, dans les 30 jours qui suivent la fin de l'audience.

d) Si les parties ne parviennent pas à s'entendre sur la formulation de l'exposé conjoint de la question ou des questions restant en litige, l'une ou l'autre des parties désirant l'arbitrage peut soumettre un exposé distinct et faire entendre la cause en tenant l'autre partie informée.

e) À l'audience, l'argumentation peut être présentés oralement ou par écrit devant l'arbitre et chaque partie peut convoquer les témoins dont elle juge la déposition nécessaire.

f) Les délais prescrits aux paragraphes 78.3 et 78.4 peuvent être prolongés d'un commun accord.

g) La décision de l'arbitre doit se limiter à la question ou aux questions dont il est saisi qu'aux mesures à prendre pour atténuer les effets nettement défavorables du changement proposé sur les membres du personnel touchés.

h) La Compagnie et le Syndicat doivent acquitter séparément les frais de présentation de leur exposé à l'arbitre, mais tous les frais généraux y compris le honoraires de l'arbitre sont assumés à parts égales.

78.5 a) Les changements mentionnés au paragraphe 78.1 ne peuvent être effectués avant que le processus de négociations et, s'il y a lieu, celui de l'arbitrage ne soient terminés.

b) Les changements mentionnés au paragraphe 78.2 sont mis en œuvre à la date indiquée, mais en aucun cas, avant l'écoulement d'un délai de 120 jours après la réception d'un avis par le Syndicat, peu importe que le processus de négociation et, s'il y a lieu, celui de l'arbitrage soient terminés ou non.

Le 8 août 2003, M. K. Heller, Vice-président, Région de l'Est du Canada, donnait un avis écrit au Président général de la Fraternité concernant l'établissement d'une nouvelle gare d'attache à Noranda, ce qui entraînerait une modification de l'exploitation entre la gare d'attache de Senneterre et Noranda. L'avis se décrivait comme préavis conformément au paragraphe 78.2 de la convention collective et stipulait que les changements seraient effectués le 6 décembre 2003.

Le 22 août M. Leclerc répondait à M. Heller, disant que la création du terminal d'attache à Noranda à compter du 6 décembre 2003 était en vérité un fait accompli. À cet effet il écrivait :

Votre avis stipule que vous avez l'intention d'appliquer ce changement en date du 6 décembre 2003 alors que la réalité est que les modifications ont été faites la semaine dernière.

Selon le représentant syndical, les modifications mises en place en l'absence d'une entente constituent une violation de la convention collective.

Deuxièmement, le 8 août un avis écrit a été envoyé à M. Leclerc par M. Heller concernant la fermeture de la gare d'attache de Jonquière à compter du 4 février, 2004. Sa lettre reconnaît qu'il s'agissait d'un préavis sous l'article 78.1 de la convention collective.

Le 22 août M. Leclerc a envoyé une deuxième lettre à M. Heller, alléguant, en partie :

La semaine dernière, la Compagnie a procédé à des changements en assignant du travail à la gare d'attache de Senneterre qui appartient à la gare d'attache de Jonquière.

Il réclame au nom du syndicat que ces changements soient annulés moyennant une entente négociée concernant la fermeture de la gare de Jonquière, conformément à l'article 78 de la convention collective.

Troisièmement, il ne semble pas contesté que le 8 août 2003 la Compagnie a donné un avis verbal, par téléphone, au représentant syndical M. Jocelyn Filion, que la Compagnie allait créer une gare secondaire à La Ferme ainsi qu'à Quévillon, comme gares secondaires à la gare d'attache de Senneterre. Cet avis semble avoir été donnée conformément à une lettre d'entente conclue entre les parties le 5 février 2003. Cette lettre se lit :

This is in reference to our discussions during the recently concluded Northern Quebec negotiations concerning "Outpost" assignments.

The Union was concerned that the company could exercise their right to establish additional Outpost work locations within the Northern Quebec Territory. You requested and the company agreed that, prior to the new Outpost locations being established, that the Union would be advised and their input on these assignments would be solicited. Also, discussions would take place on travel arrangements and accommodations where necessary.

La Fraternité prétend que dans le cas des trois avis la Compagnie à dérogé aux dispositions de la convention collective. Son représentant demande à l'arbitre d'ordonner à la Compagnie de payer toutes les réclamations soumises par les employés qui ont subi les effets de ces changements, " ... suite aux violations des article 78, et de la mise en place de gares d'attaches secondaires sans accord avec la Fraternité et tant et aussi longtemps qu'un accord ne soit intervenu entre les parties. " De plus, il demande qu'une pénalité monétaire exemplaire de 25 000$ soit imposée à la Compagnie.

Il ne semble pas contesté que la Compagnie à effectivement mise en place certains des changements proposés, sans discussion ni entente avec la Fraternité. Cependant, lors d'une rencontre à Montréal le 9 septembre 2003 la Compagnie invitait le président général à discuter des arrangements nécessaires, y compris la possibilité de considérer la gare de Noranda comme un gare secondaire. Ce dernier a refusé de discuter à moins d'avoir une réponse positive aux réclamations déposées. Il insistait également que les opérations d'avant le 15 août soient réinstaurées jusqu'à ce que les parties s'entendent sur les modalités des changements proposés. Une autre rencontre le 22 octobre 2003, ainsi que des échanges téléphoniques le 29 octobre 2003 et une dernière rencontre le 25 novembre 2003 n'ont pas mené à une résolution du problème. Il est évident que la Fraternité est motivée, en grande partie, par ce qu'elle qualifie du flagrant degré d'indifférence envers les droits de la Fraternité démontré par la Compagnie, dans la mesure où cette dernière a mise en vigueur les changements proposés, sans respecter les procédures de négociation et d'arbitrage prévus à l'article 78 de la convention collective.

Pour ce qui est de l'établissement des gares secondaires à la Ferme et Quévillon, l'arbitre ne peut accueillir le grief. Il me semble clair que la lettre du 5 février 2003 ne donne pas à la Fraternité les mêmes droits qui lui appartiement sous l'article 78 de la convention collective, qui traite explicitement des gares d'attaches, plutôt que des gares secondaires. Le seul droit accordé par la lettre en question est le droit de recevoir un préavis de la création des gares secondaires, et de pouvoir communiquer les suggestion de la Fraternité concernant ces changements, sans plus. En l'espèce, le contenu de la lettre du 5 février 2003 semble avoir été respecté.

Cependant, la conclusion de l'arbitre est contraire en ce qui a trait au changement de gare d'attache à Noranda. Premièrement, la lettre de M. Heller à l'effet que l'avis concernant la création de la gare d'attache de Noranda est donnée sous l'article 78.2 semble être en erreur. Comme il s'agit d'un changement (changes or closures of home stations), il semble à l'arbitre que l'avis en question devrait être en conformité à l'article 78.1, ce qui implique une période d'avis de 180 jours. Deuxièmement, d'après la prépondérance de la preuve, il me semble également que la Compagnie a mis en vigueur le changement concernant Noranda sans respecter le processus prévu à l'article 78, et cela même si un tableau de remplacement n'y est pas encore établi. La Compagnie n'attire pas à l'attention de l'arbitre une définition de " gare d'attache " dans le libellé de la convention collective. Il est a noté, cependant, comme comparaison utile, que la convention collective 1.2, qui gouverne ces mêmes parties dans l'ouest Canadien contient la définition suivante :

57.1 Home station means a terminal designated by the Company and the Locomotive Engineer's General Chairman as the headquarters of locomotive engineers on various runs.

Il semble à l'arbitre que si le concept de la gare d'attache sous la convention collective 1.1 nécessite l'établissement d'un tableau de remplacement, il incombe à l'employeur de le démontrer à la lumière d'une disposition claire et non-équivoque de la convention collective, ce qui n'est pas fait en l'espèce. Or, en ce qui concerne la création d'une nouvelle gare d'attache à Noranda, l'arbitre doit déclarer que la Compagnie à enfreint les dispositions de l'article 78.1 de la convention collective.

Pour ce qui est de la fermeture de la gare d'attache de Jonquière, la preuve ne démontre pas une violation de l'article 78 de la convention collective. Les changements de parcours des trains 369 et 364 entre Jonquière, Chambord et Brooks, ainsi que les ajustements de service pour le train 368 sont carrément des changements inhérents à la nature du service ferroviaire au sens du paragraphe 78.6 de l'article 78 de la convention collective. (Voir, BACFC 332, 1167, 1444, 2070 et 3083.) Il incombe toujours aux parties d'entamer les discussions concernant la fermeture de la gare d'attache de Jonquière.

Pour ces motifs, le grief est accueilli, en partie. L'arbitre déclare que la création de la nouvelle gare d'attache à Noranda, mise en vigueur sans respecter les procédures de l'article 78 de la convention collective, est une dérogation aux dispositions de la convention collective. Cependant, les changements entourant certains trains auxquels les employés de la gare d'attache de Jonquière sont affectés ne constitue pas une dérogation aux dispositions de l'article 78 de la convention collective. La conclusion est la même en ce qui concerne la création des gares secondaires à La Ferme et à Quévillon.

En ce qui concerne le redressement, l'arbitre juge que pour l'instant il est préférable de se limiter à la déclaration concernant la gare de Noranda, et de remettre le dossier entre les mains des parties pour discuter des modalités de compensation, dans le cadre des négociations concernant les deux avis donnés sous l'article 78. Je demeure saisi du litige si les parties ne peuvent s'entendre sur l'aspect du redressement dans ces discussions.
 

Le 18 décembre 2003 L'ARBITRE

(signée) MICHEL G. PICHER