BUREAU D'ARBITRAGE DES CHEMINS DE FER DU CANADA

CAUSE NO. 3390

entendu à Montréal, le jeudi, 11 décembre, 2003

concernant

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

et

LA FRATERNITÉ DES INGÉNIEURS DE LOCOMOTIVE

EX PARTE

LITIGE:

Le litige qui est référé à l'arbitre implique un employé qui est couvert par la convention collective 1.1 entre la Compagnie et la Fraternité et qui gouverne les termes et conditions d'emploi des ingénieurs de locomotives qui travaillent au Canadien National - Lignes de l'Est. Le litige est au sujet de la discipline imposée pour avoir refusé de se conformer à la directive du superviseur du transport.

EXPOSÉ DU CAS PAR LA FRATERNITÉ:

Le 23 juillet 2002, M. Richard Bertrand travaillait comme ingénieur de locomotive sur le train M36921 23 qui effectuait des essais sur un nouveau mode de traction appelé Loco Trol.

Lors de cet essai M. François Boulet, superviseur du transport, qui agissait, entre autre, comme traducteur à bord du M36921 23 dû fait que les autres personnes qui accompagnaient étaient anglophones.

M. François Boulet, superviseur du transport, ordonne à M. Richard Bertrand de ne pas respecter certaines règles de conduite du guide du mécanicien de locomotive imprimé 8690. M. Richard Bertrand demande une confirmation écrite de l'ordre, qui lui est aussitôt refusé. M. Richard Bertrand c'est vu infliger 20 mauvais points.

La Compagnie n'est pas prête à changer sa position dans ce cas.
 

POUR LA FRATERNITÉ :
(SGN.) R. LECLERC
PRÉSIDENT GÉNÉRAL

Représentaient la Compagnie :

D. Laurendeau
C. Richer
M. LeBlanc

- Directeur, Ressources humaines, Montréal
- Superviseur général, Montréal
- Superviseur, Montréal

Et représentaient la Fraternité :

R. Leclerc
J. Bechard
R. Bertrand

- Président Général, Grand-Mère
- Président, CLDA DIV 885, Garneau
- Plaignant

 

SENTENCE ARBITRALE

Les faits ne sont pas contestés. Le mécanicien de locomotive Richard Bertrand a refusé de suivre une directive verbale qui lui a été communiquée par son superviseur M. François Boulet. Il s'agissait d'un essai sur le nouveau système de traction Loco Trol. Pendant l'essai M. Boulet a ordonné au plaignant de faire une application de freinage rhéostatique de plus de 500 ampères, suite à la demande d'un représentant de la compagnie G.E. Harris, le fournisseur du système, qui était présent dans la locomotive avec le plaignant et M. Boulet.

Le plaignant a expliqué le motif de son refus, à savoir que le freinage ordonné était au delà des restrictions de freinage permis à l'article F7.2 et F7.3 du Manuel d'exploitation du mécanicien de locomotive du CN. Le libellé du Manuel laisse comprendre qu'un freinage de plus de 500 ampères sur un train de plus que deux locomotives, dans un courbe ou près d'un branchement, peut provoquer un déraillement. Dans les circonstances, comme la directive lui semblait être en dérogation de la règle de la compagnie, M. Bertrand a demandé à M. Boulet qu'elle soit écrite, ce que le superviseur a refusé. En conséquence de ce geste M. Bertrand s'est vu infliger 20 mauvais points pour insubordination.

L'arbitre à de la difficulté à voir le bien fondé de la position patronale. Dans un premier temps, il n'est pas clair d'après la preuve devant moi que la compagnie avait signalé au mécaniciens de locomotive qu'il serait permis de ne pas respecter les règles d'exploitation pendant les essais du systèmes Loco Trol en ce qui concerne le freinage rhéostatique. Il n'est également pas clair qu'un superviseur de locomotive du rang de M. Boulet avait l'autorité de suspendre l'application des règles contenus dans le Manuel d'exploitation.

D'après l'arbitre, le cas en l'espèce ne justifie pas l'application de la règle " work now - grieve later ". Il est bien établi dans la jurisprudence qu'un employé n'est pas susceptible de discipline si son refus d'accomplir une tâche est motivé par un souci raisonnable quant à la légalité de la directive ou au danger que celle-ci pourrait comporter (CROA 1644, SHP 297, CP Rail (1990) 12 L.A.C. 101 (M.G. Picher)). Dans le cas qui nous occupe, le comportement de M. Bertrand ne suggère aucun manque de respect envers son superviseur ni une indifférence envers les intérêts de l'employeur. Au contraire, il se souciait que tout soit fait selon les règles, n'ayant reçu aucun avis contraire.

Il est à noter que le lendemain de l'incident la compagnie a émis la note d'instruction suivante à l'attention des employés :

En référence à la partie F7.3 (passage du mode de traction au mode de freinage rhéostatique) section F du guide du mécanicien de locomotive - imprimé 8960

La restriction disant que " si le groupe de traction est constitué de plus de deux locomotives : l'intensité du freinage rhéostatique doit être limitée à 500 A lorsque la tête du train arrive près d'un branchement ou d'une courbe; cette limite doit être respectée jusqu'à ce que la moitié du train ait franchi le branchement ou la courbe. " ne s'applique pas aux groupe de traction qui sont opérés par la puissance distribuée par le service locotrol.

Si cet avis avait été communiqué avant l'incident du 23 juillet, la position de l'employeur serait plus convaincante. Par contre, l'arbitre accepte la preuve de M. Bertrand qui dit qu'on ne lui avait jamais expliqué ce qui est contenu dans l'avis. En somme, l'arbitre est d'avis que la compagnie n'a pas établi qu'il y avait juste cause pour imposer une peine disciplinaire au plaignant pour avoir refusé de se conformer aux directives de son superviseur dans les circonstances particulières de ce dossier.

Le grief est donc accueilli. L'arbitre ordonne que les 20 points de démérites soient rayés du dossier disciplinaire du plaignant.
 

Le 15 décembre 2003 L'ARBITRE

(signée) MICHEL G. PICHER