BUREAU D'ARBITRAGE ET DE MÉDIATION DES CHEMINS DE FER DU CANADA

CAUSE NO. 3463

entendu à Montréal, le jeudi, le 16 décembre 2004

concernant

CANPAR

et

LE LOCAL 1976 DES MÉTALLURGISTES UNIS D'AMERIQUE

LITIGE :

Le congédiement de M. Sylvain Huard pour ne pas avoir remis l'argent de COD livrés le 11 décembre 2003 et également le 9 mars 2004.

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

Le 16 juin 2004, M. Huard a passé une entrevue pour : " not signing C.O.D. " et cette entrevue a été ajournée. Le 30 juin 2004, l'entrevue ajournée le 16 juin 2004 a été continuée. Le 30 juin 2004, M. Huard a passé une autre entrevue pour : " Avoir retenu les fonds de la Compagnie ". Le 30 juin 2004, M. Huard a été suspendu sans salaire. Le 5 juillet 2004, M. Huard a été congédié pour : " ne pas avoir remis l'argent des C.O.D. lingés le 11 décembre 2003 et également le 9 mars 2004 ".

Le Syndicat a déposé un grief pour contester le congédiement et a affirmé qu'il n'était pas justifié. Le Syndicat a aussi réclamé que M. S. Huard soit réintégré dans ses fonctions de chauffeur/livreur avec tout le salaire et les bénéfices perdus depuis le 30 juin 2004.

La Compagnie a refusé le grief.
 

POUR LE SYNDICAT :
(SGN.) RICHARD PAGÉ
POUR : LA PRÉSIDENTE

POUR LA COMPAGNIE :
(SGN.) P. D. MACLEOD
PRÉSIDENT ADJOINT - EXPLOITATIONS

Représentaient la Compagnie :

R. Dupuis
P. D. MacLeod
C. Liberale

- Directeur régional - Québec
- Président adjoint - exploitations
- Gérant, Service à la clientèle, Montréal

Et représentaient le Syndicat :

R. Pagé
R. Pichette
G. Elowis
S. Huard

- Représentant, Métallos, Montréal
- Président, Comité des griefs
- Témoin
- Plaignant

 

SENTENCE ARBITRALE

La preuve établit qu'à deux reprises, soit le 11 décembre 2003 et le 9 mars 2004, M. Huard n'a pas enregistré des livraisons " COD " dans son lecteur électronique. Il est également convenu qu'il n'a pas remis à l'employeur les montants respectifs de 96,05$ et 21,63$ pour les colis en question, des montants qu'il a dûment reçu des destinataires. Après enquête, le plaignant a été congédié pour détournement de fonds.

Le syndicat soulève deux objections relativement à la procédure suivie par la compagnie. D'abord, son représentant soutient que la compagnie n'a pas respecté les délais à l'article 6.3 de la convention collective, ce qui rendrait la discipline nulle et non avenue. Deuxièmement, il prétend que la compagnie aurait enfreint les dispositions de la loi fédérale sur la vie privée, en se servant d'une photocopie du permis de conduire de M. Huard pour vérifier son identité auprès de deux clients destinataires, lors de son enquête.

Pour ce qui est de la deuxième objection, l'arbitre ne considère pas qu'il y a suffisamment de plaidoirie présentée pour aborder la question du droit à la vie privée de M. Huard. Comme le syndicat ne cite aucun article spécifique de la loi fédérale qui s'applique, l'arbitre n'est pas en mesure de traiter d'une façon responsable cet aspect de la plaidoirie du syndicat. De plus, tout comme pour l'objection concernant l'application de l'article 6.3 de la convention collective, il n'y aucune mention de cette objection dans l'exposé conjoint des faits. Or, comme la convention collective qui établit ce bureau d'arbitrage précise que la juridiction de l'arbitre se limite aux questions soulevées dans l'exposé conjoint du conflit, les deux objections doivent être rejetées.

Par contre, en ce qui concerne le fond du litige, l'arbitre considère qu'il y a matière à ajuster la discipline. Il est bien établit que lorsqu'il sagit d'une accusation grave ou quasi-criminelle, comme l'accusation de vol faite en l'espèce, la preuve doit être claire et convainquante. Ayant le fardeau de la preuve, l'employeur doit établir clairement que l'employé a sciemment fraudé la compagnie dans le but de contourner les fonds en question pour son avantage personnel. Après un examen approfondi du dossier, je dois conclure que la preuve en l'espèce n'est pas suffisante.

À l'avis de l'arbitre, la preuve démontre plutôt qu'il y a eu un manque de jugement et d'attention à la tâche de la part de M. Huard lors des deux livraisons. Sans contredit, il a reçu les paiements des deux destinataires et ne les a pas enregistrés dans son lecteur. Cependant, force est de constater qu'il a noté les deux paiements sur sa feuille de route. Il est également important de reconnaître que le détournement de fonds dans une telle circonstance ne pourrait jamais être caché. Tôt ou tard le client expéditeur viendrait demandé à la compagnie le paiement qui lui est dû, ce qui mènerait à la découverte inévitable de la non-remise des fonds par l'employé responsable de la livraison. Il est difficile de croire qu'une personne dans la position du plaignant tenterait une telle tromperie face à la quasi certitude de sa découverte inévitable. La preuve démontre également que les erreurs de " scanning " ne sont pas inconnus dans ce travail, et que la quantité de livraisons et de collections peut causer des erreurs d'inattention. Or, dans l'ensemble, l'arbitre juge que le plaignant, qui n'a pas de longues années de service, a commis une erreur de négligence grave, qui mérite une discipline importante, mais qui ne justifie pas son congédiement.

Pour ces motifs, le grief est accueilli, en partie. L'arbitre ordonne que le plaignant soit réintégré dans ses fonctions, sans perte d'ancienneté, et sans dédommagement pour sa perte de salaire et d'avantages sociaux. La période entre son congédiement et son retour au travail sera noté sur son dossier comme une suspension pour les deux incidents graves d'inattention dans la collection de fonds et dans l'usage de son lecteur.
 

Le 17 décembre 2004 L'ARBITRE

(signed) MICHEL G. PICHER