BUREAU D’ARBITRAGE ET DE MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

CAUSE NO. 3576

 

entendu à Montréal, le mercredi, le 13 septembre 2006

 

concernant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

et

 

LE SYNDICAT NATIONAL  DE L'AUTOMOBILE, DE L'AÉROSPATIALE, DU TRANSPORT ET DES AUTRES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DU CANADA (TCA)

 

LITIGE :

 

            Réalisation du contrat standard et congédiement de S. Brazeau, tractionnaire.

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

 

            Alléguant des raisons de santé, Monsieur S. Brazeau s’est absenté du travail à partir du 10 juillet 2004. Le ou vers le 28 octobre 2004, la Compagnie a fait parvenir au plaignant une lettre qui indiquait que le plaignant et son tracteur étaient absents du travail depuis le 10 juillet 2004 et qui alléguait une violation de l’article 7.10(c) de la convention collective.

 

            La lettre allègue aussi que le plaignant a contrevenue à un bulletin intitulé « Début et fin du quart de travail ». Enfin, s’appuyant sur l’analyse de divers reçus concernant des achats d’essence, la lettre allègue également que le plaignant a violé les articles 2.01 et 2.07 du contrat standard, qui prévoient (respectivement) que le compte de la Compagnie et que sa conduite doit être exploité exclusivement pour le compte de la Compagnie et que sa conduite doit être confiée uniquement à des conducteurs qualifiés qui satisfont à toutes les normes médicales.

 

            La lettre conclut en invoquant l’article 8.2 de la convention collective pour aviser le plaignant de la résiliation de son contrat standard et de son congédiement.

 

            Le Syndicat demande que M. Brazeau soit réintégré et obtienne pleine réparation sous prétexte que la Compagnie n’aurait pas été justifiée de résilier son contrat standard et de le congédier.

 

            La Compagnie réfute les arguments du Syndicat.

 

POUR LE SYNDICAT :                              POUR LA COMPAGNIE :

(SGN.) A. ROSNER                                     (SGN.) D. S. FISHER

REPRÉSENTANT NATIONAL                                             DIRECTEUR, RELATION DU TRAVAIL, CNTL

Représentaient la Compagnie :

A. deMontigny                       – Sr. Manager, Labour Relations, Montréal

J. Deschamps                      – Directeur, CNTL

 

Et représentaient le Syndicat :

R. Massé                              – Représentant national, Montréal

S. Brazeau                           – Plaignant

 

SENTENCE ARBITRALE

 

            Il est convenu que M. Brazeau s’est absenté du travail à partir du 10 juillet 2004. La preuve démontre qu’il était alors sous les soins de son médecin pour un état de dépression, condition médicale pour laquelle avait pris des médicaments anti-dépresseurs depuis 2002. Selon la preuve du syndicat, qui n’est pas contredite, en juillet de 2004 son médecin traitant l’a obligé de s’absenter du travail en raison de la détérioration de son état.

 

            La diagnostique du médecin traitant était que l’état dépressif du plaignant était en bonne partie causé par certains éléments du stress et de tension qu’il vivait au travail. Il semble que le plaignant avait occupé des fonctions de délégué syndical jusqu’en 2003, dans un environment conflictuel. Or, le ou vers le 29 juillet 2004, son médecin lui a indiqué qu’il pouvait être fonctionnel s’il évitait tout contact avec son employeur, mais qu’il pourrait travailler comme camionneur pour une autre entreprise. Il s’est alors trouver un emploi comme chauffeur de camion chez Fast Logistique, où il conduisait le camion de cet employeur. Il n’utilisait pas son propre tracteur, ce qui lui était défendu selon les dispositions de son contrat comme tractionnaire indépendant au service de la Compagnie.

 

            De plus, la preuve démontre que M. Brazeau était obligé de faire partir et rouler son tracteur sur une base régulière, afin d’en assurer le conditionnement mécanique. Le 20 septembre 2004, il a effectué un remplissage du réservoir à essence de son camion en utilisant la carte de crédit fournie par la compagnie pour cette fin. Il est convenu que la compagnie déduirait le coût de l’essence ainsi procuré de sur la paie de M. Brazeau, qui s’attendait à ce qu’il puisse revenir bientôt au travail. De fait, peu après son médecin a décidé qu’il devait demeurer sous traitement, et ne pas retourner à son ancien travail pour une période de six mois de plus. Cette directive du médecin a été communiquée à la compagnie le 27 septembre 2004.

 

            En octobre 2004, une conférence téléphonique a eu lieu entre M. Brazeau, son superviseur à la compagnie, M. Jacques Deschamps (depuis retraité) et le président local de son syndicat, M. S. Long. Au courant de cette conversation M. Brazeau a dit à M. Deschamps qu’il était incapacité pour retourner au travail avec la compagnie, mais qu’il travaillait quand même pour un autre employeur. Cette déclaration, sans plus d’explication, a provoqué un certain étonnement chez M. Deschamps.

 

            À la lumière de cette nouvelle, et d’un examen des reçus de factures de carburant en sa possession, la compagnie en est venue à la conclusion que M. Brazeau enfreignait les paragraphes 2.01 et 2.07 de son contrat standard de tractionnaire qui interdisait qu’il utilise son tracteur au service d’un autre employeur sans permission. Pour ces motifs la compagnie lui a fait parvenir une lettre en date du 28 octobre 2004 avisant M. Brazeau que son contrat comme tractionnaire était terminé.

 

            L’Arbitre peut bien comprendre la perspective sur ces événements que détient la compagnie. Les notes de médecin fournis par M. Brazeau à l’employeur ne donnaient aucune explication en détail du diagnostique de son médecin traitant. En particulier, jusqu’à la conférence téléphonique en octobre, M. Deschamps n’était pas avisé que M. Brazeau travaillait ailleurs et que, selon lui, il ne pouvait pas travailler pour la compagnie. Et même alors, il ne savait pas qu’il s’agissait des directives de son médecin.

 

            Par contre, l’arbitre doit reconnaître les faits qui découlent de la preuve. Il demeure que M. Brazeau était légitiment en absence médicale pour toute la période en question. La preuve non-contredite établit que M. Brazeau avait la permission de son médecin de travailler ailleurs et qu’il n’as pas utilisé son propre camion dans cet autre emploi.

 

            L’arbitre considère qu’il appartenait à M. Brazeau de fournir une explication à la compagnie, par lui-même ou par l’intermédiaire de son médecin, en ce qui concernait son état dépressif et la légitimité de son travail pour une autre entreprise. Son silence et la conclusion raisonnable de la compagnie face aux faits présentés en octobre 2004 sont la cause immédiate de son congédiement. Dans ces circonstances, l’arbitre ne considère pas qu’il est juste d’ordonner le dédommagement du plaignant pour sa perte de salaire et d’avantages sociaux.

 

            Par contre, je dois conclure qu’en tout temps le plaignant était légitimement absent du travail et qu’il n’a pas enfreint les dispositions des articles 2.01 et 2.07 de son contrat de tractionnaire. Dans ces circonstances, quitte à ce qu’il soit physiquement et mentalement apte au travail, il doit être réintégré dans ses fonctions de tractionnaire.

 

            Pour ces motifs le grief est accueilli, en partie. L’arbitre ordonne que M. Brazeau soit réintégré dans ses fonctions, sans dédommagement pour sa perte de salaire et d’avantages sociaux et sans perte d’ancienneté. Il doit toutefois satisfaire à deux conditions : premièrement il doit se procurer un camion approprié et deuxièmement, il doit présenter un rapport de son médecin comme preuve qu’il est physiquement et mentalement apte à retourner au travail avec la compagnie. S’il n’est pas capable de satisfaire à ces conditions dans les douze mois suivant cette sentence, la compagnie pourra fermer son dossier.

 

 

Le 20 septembre 2006                                                                 (signé) MICHEL G. PICHER

ARBITRE