BUREAU D’ARBITRAGE ET DE MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

CAUSE NO. 3578

 

entendu à Montréal, le 13 septembre 2006

 

concernant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

et

 

LES TRAVAILLEURS UNIS DES TRANSPORTS

 

LITIGE :

 

            Violation des dispositions de l’article 56 de la convention collective 4.16 causant un manque à gagner à un employé du tableau de remplacement.

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

 

            Le 22 avril 2004, l’équipe régulière appelée de la gare d’Edmundston, N.B., (équipe réduire) pour conduire le train 305 Ouest à celle de Joffre, QC, () être relevée en cours de route, (pour repos) soit à la gare de St-Jean-(…)-Joli, situé à 61 milles de Joffre. L’équipe régulière devant conduire la même train 305 Ouest de la gare d’attache de Joffre à celle de Montréal (…) d’assurer la relève et de sa rendre (par taxi) à la gare de St. Jean-(…)-Joli et de là prendre charge du train 305.

 

            Conformément aux dispositions de l’article 56 et autres articles (…) de la convention collective 4.16, le Syndicat affirme qu’une équipe du tableau de remplacement, alors disponible, aurait du être appelée pour assurer le relève. La réclamation fut rejetée au stade 2 de la procédure de règlement des griefs, basée sur les causes d’arbitrage BACFC 362, 2904, 3403 et 3406. Le Syndicat maintient le bien-fondé de la réclamation.

 

            La Compagnie contesté la position du Syndicat.

 

POUR LE SYNDICAT :                              POUR LA COMPAGNIE :

(SGN.) R. LEBEL                                        (SGN.) D. GAGNÉ

PRÉSIDENT GÉNÉRAL                                                       

Représentaient la Compagnie :

D. Gagné                              – Directeur, Relations de Travail, Montréal

J. Krawec                             – Directeur, Relations de Travail, Toronto

 

Et représentaient le Syndicat :

R. LeBel                                – Président général, Québec

C. Belsile                              – Représentant local, Joffre

R. Belanger                          – Représentant local, Edmundston

D. Joannette                         – Représentant local, Joffre

A. Couture                            – Représentant local, (rt’d), Joffre

G. DuBois                             – Représentant local, (rt’d), Joffre

 

SENTENCE ARBITRALE

 

            Le syndicat prétend que la compagnie était obligée d’appeler comme relève une équipe qui était disponible sur le tableau de remplacement dans les circonstances des faits en l’espèce. Selon son représentant, cette équipe, déjà affectée au territoire en question, à l’est de Joffre, avait un droit prioritaire au travail de relève, travail qui ne pourrait dans ces circonstances être donné à une équipe provenant du territoire à l’ouest de Joffre. La compagnie prétend que sa décision est appuyée par les décisions de ce bureau dans les causes BACFC 362, 2904, 3404 et 3406.

 

            L’arbitre ne peut comprendre comment la compagnie peut prétendre que ces décisions appuient sa position. Au contraire, ils ne traitent aucunement du fond du litige qui nous concerne. Dans la cause BACFC 3406, où les faits étaient semblables, le grief a été rejeté uniquement pour des motifs de procédure découlant de l’administration de l’article 84 de la convention collective. Le grief démontrait un conflit d’interprétation raisonnable, et non une enfreinte flagrante des dispositions de la convention collective selon les exigences de l’article 85, ce qui aurait justifié un dédommagement extraordinaire et punitif. Il est important de noter que l’arbitre s’est exprimé comme il suit sur le fond du litige :

It is important to stress that the Arbitrator makes no determination as to the merits of the Union’s claim to an implied right of jurisdictional exclusivity on a subdivision basis for road crews. …

 

Il est pour le moins surprenant que la compagnie prétend maintenant que cette décision représente un rejet de la position du syndicat.

 

            La même conclusion s’attache à la décision BACFC 3403. Les faits dans ce grief étaient presque identiques à ceux du dossier en l’espèce, concernant une équipe de Joffre ordonnée de secourir un train parvenant de Montréal, dans le territoire à l’ouest de Joffre, pour ensuite le conduire en direction est vers Edmundston, lorsqu’il y avait des employés du tableau de remplacement pour le territoire de l’ouest qui étaient disponible. Là encore, comme il s’agissait d’une demande de pénalité extraordinaire sous l’article 85 de la convention collective, l’arbitre n’a fait aucun commentaire sur le mérite du grief, disant :

 

… At most, what is disclosed is the advancement of two very different prima facie positions held in good faith on behalf of the both the employer and the Union, upon the merits of which the Arbitrator makes no comment.

 

Pour ce motif, fondé uniquement sur les exigences de l’article 85 de la convention collective, le grief a été rejeté.

 

            De plus, les décisions 362 et 2904 ne traitent pas de la même matière que le grief qui nous occupe. Dans la décision 362, l’arbitre Weatherill a bien déclaré que le conflit en question ne concernait pas la légalité du geste de la compagnie, mais plutôt de décider s’il s’agissait d’une affectation ou de deux affectations séparées. Enfin, la décision BACFC 2904 ne concerne aucunement une réclamation du droit au travail des employés d’un tableau de remplacement. Elle traite seulement de savoir si une affectation au secours d’un autre train constituait une deuxième affectation pour les fins de rémunération. Or, force est de constater que rien dans les décisions plaidées par la compagnie ne traite de la question du droit territorial au travail de secours qui est l’enjeu principal dans le grief qui nous occupe.

 

            Après mure réflexion, en ce qui concerne le fond du litige, l’arbitre doit donner raison au syndicat. Contrairement à ce qui a été présenté dans le dossier BACFC 3406, où la compagnie disait avoir maintenu une pratique semblable pendant des décennies, il n’y a aucune preuve de pratique semblable dans le territoire entre Montréal et Halifax. Au contraire, la seule preuve présentée à ce propos, qui provient des employés et anciens officiers du syndicat dans la région, indique une pratique contraire à celle plaidée dans la décision BACFC 3406. Leur preuve non contestée est que la pratique de maintes années a toujours été d’affecter un employé du tableau de remplacement, s’il y en avait un de disponible, pour secourir un train sur son territoire. De plus, il semble que chaque fois que la compagnie a tenté d’utiliser une équipe provenant d’un territoire avoisinant pour cette tâche, la réclamation d’un employé de remplacement sur le territoire en question qui était disponible était toujours reconnue et dûment payée.

 

            Or, il semble à l’arbitre que la pratique des années dans cette région du pays est clairement conforme à l’interprétation avancées par le syndicat. D’ailleurs, cette interprétation est pleinement consistante avec le système territorial par lequel les opérations de la compagnie sont organisées, dont la désignation des gares d’attache qui peuvent comprendre deux tableaux de remplacement pour desservir deux directions contraires qui émanent de la gare. La preuve non contredite du syndicat établit qu’avant les années 2003 et 2004, la pratique de la compagnie était toujours d’affecter une équipe disponible du tableau de remplacement du même territoire pour conduire un train immobilisé sur son territoire en raison de l’application des règles de repos sur les équipes de trains. Depuis des années, à travers de nombreux renouvellements de la convention collective, c’était l’entente implicite respectée par les parties. Dans ces circonstances, pour ce qui est du territoire entre Montréal et Halifax, l’arbitre doit conclure que c’était la règle convenue pour les fins de la convention collective.

 

            Pour ces motifs, le grief est accueilli. L’arbitre ordonne que G. Bonenfant, qui était le premier à sortir au tableau de remplacement de Joffre est, et qui était disponible en compagnie d’un mécanicien de locomotive, soit dédommagé pour sa perte de salaire.

 

 

Le 20 septembre 2006                                                                        (signé) MICHEL G. PICHER

 L’ARBITRE