BUREAU D’ARBITRAGE ET DE MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

CAUSE NO. 3629

 

entendu à Montréal, le mardi, le 11 septembre 2007

 

concernant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

et

 

LES TRAVAILLEURS UNIS DES TRANSPORTS

 

LITIGE :

 

            Attribution d’une suspension sans solde du 10 février au 25 mai 2007 à monsieur S. Jomphe et son congédiement à compter du 25 mai 2007 pour conduite inacceptable.

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

 

            Le Syndicat en a appelé de ces mesures disciplinaires parce que la sanction de congédiement imposée à monsieur Jomphe est non-fondée et/ou excessive. Le Syndicat maintien par ailleurs que l’article 82 de la convention collective 4.16 ne fut pas respecté lors de l’imposition de la suspension. Il soutient également le non-respect de l’article 78 de cette même convention collective lors de cette suspension.

 

            Le Syndicat sollicite la réintégration immédiate de monsieur Jomphe et qu’il soit compensé pour le salaire perdu ainsi que les avantages sociaux.

 

            La Compagnie rejette notre demande.

 

POUR LE SYNDICAT :                        POUR LA COMPAGNIE :

LE PRÉSIDENT SUPPLÉANT                                  POUR: LE VICE-PRÉSIDENT, GRANDS LACS ET CHAMPLAIN

(SGN.) D. JOANNETTE                       (SGN.) D. GAGNÉ

Représentaient la Compagnie :

D. Gagné                              – Directeur, Relations de travail, Montréal

P. Bergeron                          – Police

C. Charest                            – Signals & Communications

 

Et représentaient le Syndicat :

R. LeBel                                – Consultant

D. Joannette                         – Président général par intérim, Québec

C. Belzile                              – Représentant local

M. Cullen                              – Témoin

L. Bonneau                           – Témoin

S. Jomphe                            – Plaignant

 

SENTENCE ARBITRALE

 

            La preuve démontre, sans contredit, que le plaignant s’est approché d’un taxi qui transportait le superviseur Claude Charest au travail pendant la première journée de la grève du syndicat, le 10 février 2007.

 

            Le taxi était arrêté au point d’arrêt des gardes de sécurité, près des lignes de piquetage, pour les fins d’identification avant d’entrer au triage de Joffre. Mr. Jomphe à alors tenter lui-même d’identifier le passager dans le taxi. Semble-t-il que le syndicat avait émis une directive aux piqueteurs de bien identifié tout le monde qui entrait dans le triage pour travailler pendant la grève.

 

            Or, M. Jomphe a ouvert la porte de devant de la fourgonnette – taxi, du côté passager. Voyant M. Charest assis sur le banc arrière, il a ensuite ouvert la porte de coulisse. De son propre aveu, M. Charest, un employé de bureau affecté au travail de chef de train pendant la grève, trouvait la situation stressante. Lorsque le plaignant lui a demandé qui il était, M. Charest n’a pas répondu, tenant toujours son regard vers l’avant. Après avoir répété la question plusieurs fois, à voie haussée, M. Jomphe à mis la main sur le bras de M. Charest pour s’assurer d’avoir son attention. L’arbitre accepte la preuve de M. Charest qui relate que le geste du plaignant a baissé le manche de son manteau, qui était ouvert. J’accepte également la preuve du plaignant qu’il s’agissait d’un geste pour attirer l’attention de M. Charest, et non d’une tentative de le faire sortir du véhicule.

 

            Il semble convenu qu’à ce moment là M. Charest s’est identifié au plaignant et que suivant l’arrivée d’autres employés de sur la ligne de piquetage, l’incident c’est terminé et M. Charest est entré, sans plus, au travail. Cependant, il se sentait ébranlé par ce qui s’était passé, et a décidé de porter plainte, ce qu’il a fait auprès de la police de la compagnie qui était sur les lieux. Par après, M. Jomphe s’est vu accusé de voie de fait simple suivant une brève enquête policière. Éventuellement l’accusation criminelle, dont le procès était pour le 7 mai 2007, a été abandonnée, sans avis préalable au plaignant qui c’est présenté à la cour avec son avocat.

 

            En raison de l’incident du 10 février 2007, la compagnie a mis le plaignant hors service, ce qui l’a empêché de travailler comme mécanicien de locomotive. Une fois la grève terminée, le 25 avril et le 7 mai, la compagnie a tenu une enquête disciplinaire, ce qui a entraîné le congédiement de M. Jomphe pour conduite inacceptable, « spécifiquement en relation avec les geste posés envers un superviseur le 10 février 2007. »

 

            Dans un premier temps, le syndicat prétend que la compagnie a enfreint les dispositions de l’article 82 de la convention collective, en autant que le plaignant a été suspendu sans enquête disciplinaire. L’arbitre ne peut accueillir cette prétention. Comme le note bien le représentant patronal, étant donné que le syndicat était en grève légale, il n’y avait plus de convention collective en vigueur à partir du 10 février 2007 jusqu’à la fin de la grève, le 17 avril 2007. Une fois la grève terminée, la compagnie n’a pas tardé à déclencher son enquête, qui fut entamée le 25 avril 2007. En ces circonstances l’arbitre ne voit aucune dérogation aux droits du plaignant en ce qui concerne les dispositions de la convention collective.

 

            La question importante à trancher est donc la mesure disciplinaire appropriée. Dans un premier temps, l’arbitre convient que les gestes de M. Jomphe méritaient une mesure disciplinaire importante. Même si des grévistes on bien le droit de communiquer avec le public, y compris les gens qui traversent une ligne de piquetage, il n’y a rien dans la loi qui permettrait à des piqueteurs d’ouvrir les portes d’un véhicule privé, d’interroger les gens qui entrent sur les lieux et encore moins d’assujettir ces derniers à une agression physique. Il faut donc reconnaître que le plaignant a commis une erreur grave quand il s’est introduit dans le véhicule qui transportait M. Charest pour ensuite posé la main sur son bras, même si son but était simplement d’identifier le passager. Est-ce que ce geste justifie le congédiement d’un employé de plus de vingt ans de service? D’après la compagnie, compte tenu des antécédents disciplinaires du plaignant et du fait qu’il n’a pas exprimé d’excuses ou de remords pour ce qu’il a fait, il y avait juste cause pour son congédiement.

 

            L’arbitre à de la difficulté à accueillir cet argument. Premièrement, le dossier disciplinaire du plaignant, qui comptait 10 mauvais points lors de l’incident du 10 février 2007, ne contient aucune trace de discipline antérieure pour insubordination ou pour manque de respect envers les cadres ou les employés. En ce sens, il s’agit d’une première infraction, sur une carrière de plus de vingt ans. Deuxièmement, comme le souligne le syndicat, en raison d’une caution judiciaire, M. Jomphe était défendu de communiquer avec M. Charest. Toutefois, il a envoyé une lettre datée du 31 mai 2007, adressée au vice-président de la compagnie pour la région de l’Est, exprimant ses excuses et son regret pour l’incident. Cette lettre se lit, en partie :

 

I would like to have the chance to apologize to Mr. Claude Charest because I deeply regret my actions.

 

À la lumière de cette preuve l’arbitre a beaucoup de difficulté à comprendre la prétention du représentant patronal qui dit « … il est évident que M. Jomphe n’avait aucun remords … ».

 

            Certes, l’arbitre ne peut non plus accueillir la position douteuse du syndicat qui prétend que M. Charest aurait contribué à l’incident en refusant de s’identifier tout de suite à M. Jomphe. Et je suis également d’avis que le fait que le plaignant ne savait pas que M. Charest était un superviseur, comme le souligne le syndicat, porte peu d’importance. Que le passager dans le taxi ait été un superviseur ou un parfait étranger, il méritait mieux que de se faire interrogé et agressé physiquement.

 

            En somme, à la lumière de tout ce qui précède, l’arbitre en vient à la conclusion que les facteurs atténuants justifient une certaine réduction de la peine, mais qu’une mesure disciplinaire importante est toutefois justifiée. À mon avis, une suspension de dix mois servirait à communiqué au plaignant, ainsi qu’aux autres employés, l’importance d’éviter toute confrontation physique dans l’ambiance déjà tendue d’une grève et d’une ligne de piquetage.

 

            Le grief est donc accueilli, en partie. L’arbitre ordonne que le plaignant soit réintégré dan ses fonctions, sans perte d’ancienneté, après une suspension sans solde de dix mois calculée du 10 février 2007, soit jusqu’au 9 décembre 2007.

 

 

Le 17 septembre 2007                                                                     (sgn) MICHEL G. PICHER

L’ARBITRE