BUREAU D’ARBITRAGE ET DE MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

CAUSE NO. 3710

entendu à Montréal, le mardi, 9 décembre 2008

concernant

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

et

LE SYNDICAT NATIONAL DE L'AUTOMOBILE, DE L'AÉROSPATIALE, DU TRANSPORT ET DES AUTRES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DU CANADA (TCA)

SUR REQUÊTE ÉMANANT D’UNE SEULE PARTIE

 

LITIGE :

Le congédiement de M. Pierre Tourigny

EXPOSÉ DU CAS PAR LE SYNDICAT :

Le 27 septembre 2007, M. Pierre Tourigny a été congédié pour violation de I’entente de dernière chance du 12 septembre 2007.

Le Syndicat prétend que I’employé n’a pas violé l’entente de dernière chance et que Ie congédiement n’est pas justifié. Le Syndicat demande donc Ta réintégration de M. Tourigny avec pleine compensation pour la salaire et avantages sociaux avec intérêts.

La Compagnie rejette las prétentions du Syndicat.

POUR LE SYNDICAT :

REPRÉSENTANT NATIONAL

(SGN.) D. ST-LOUIS

 

Représentaient la Compagnie :

D. S. Fisher – Premier directeur, Relations de travail, Montréal

S. Grou – Directrice, Relations de travail, Montréal

L. Gosselin – Infirmière – Chef d’équipe, Montréal

D. Léonard – CN Police

 

Et représentaient le Syndicat :

D. St-Louis – Représentant national, Montréal

C. Rainville – Représentant régional, Hawkesbury

J. Savard – Vice-président, section intermodal, Montréal

A. Rosner – Représentant national, Montréal

P. Tourigny – Plaignant

 

SENTENCE ARBITRALE

Il n’est pas contesté que le plaignant a souffert de toxicomanie pendant nombre d’années. En 2007 il était sujet aux dispositions d’un contrat de maintien d’emploi qui stipulait, en partie :

7. Vous devrez vous soumettre à des tests aléatoires de dépistage d’alcool et de drogues. Lorsque les Services de santé au travail communiqueront avec vous, vous conformer aux directives. Un test de dépistage positif ou un manque de coopération pour les tests sera considéré comme une violation du présent contrat de maintien d’emploi et donnera lieu à votre congédiement du CN.

Hormis une mésentente sur la méthode employée pour le calcul de l’assiduité au travail, tout manquement à l’une des conditions spécifiques précitées résultera en la cessation de la relation d’emploi de monsieur Tourigny avec CN, le tout sans appel et non arbitrable.

D’après le représentant de l’employeur, le grief n’est pas recevable en autant que M. Tourigny a manqué de satisfaire aux conditions du paragraphe reproduit ci-haut lors d’un test de dépistage de drogue et d’alcool le 12 septembre 2007. De fait, il s’est dit incapable de fournir un échantillon d’urine pendant une période d’environ trois heures. Le représentant de la compagnie prétend que ce seul fait démontre un manque de coopération et que le plaignant était donc sujet au congédiement sans recours à l’arbitrage.

L’arbitre ne peut accueillir la prétention de la compagnie quant à la recevabilité du grief. Comme le plaide le syndicat, il incombe d’abord à la compagnie de démontrer que le plaignant se n’est pas conformé au conditions du paragraphe 7 de son contrat d’emploi. En d’autres mots, en l’espèce il y a-t-il eu « un manque de coopération pour les tests … » tel que compris dans l’entente?

L’arbitre est d’accord avec l’employeur qu’une faillite de la part du plaignant de fournir un échantillon d’urine au-dedans d’une période raisonnable constituerait en soi une enfreinte des conditions de son entente d’emploi et que dans une telle circonstance l’arbitre ne pourrait renverser une décision de le congédier.

Or, la question à trancher demeure à savoir si le plaignant est coupable d’un manquement déraisonnable à son obligation de fournir un échantillon d’urine. La preuve démontre que le plaignant avait été conduit en automobile au siège social de l’employeur par un policier de la compagnie. Après trois heures d’efforts il s’est dit incapable d’uriner. Il a alors quitté le centre des Services de santé, ayant été averti que son incapacité de fournir un échantillon serait vu comme une violation de son contrat, ce qui entraînerait son congédiement. Cependant, en route de retour au travail dans la voiture du policier, quelque quinze minutes après son départ du centre des Services de santé, M. Tourigny raconte qu’il a éprouvé un fort besoin d’uriner. D’après sa preuve, lorsqu’il a demandé au policier de le ramener tout de suite au centre de dépistage, ce dernier a refusé. Le policier en question, qui était présent à l’arbitrage, ne nie pas cette preuve, sauf qu’il dit qu’il ne se souvient pas précisément de ce qui a été dit.

À la lumière de ces faits, l’arbitre doit conclure, d’après la prépondérance de la preuve, que le plaignant voulait donner un échantillon d’urine et l’aurait fait si ce n’avait été du refus du policier de le retourner au centre de dépistage. Sa volonté de le faire à ce moment là démontre qu’il n’a pas fait preuve d’un manque de coopération. Cependant, il demeure qu’il est en grande partie l’auteur de ses propres difficultés, en autant qu’il semble avoir évacué sa vessie avant de quitter son lieu de travail pour aller passer son test de dépistage de drogue et d’alcool. Étant donné ce qui c’est passé, l’arbitre juge qu’il n’y a pas lieu d’ordonner le dédommagement du plaignant pour sa perte de salaire et d’avantages sociaux, même s’il y a lieu d’ordonner sa réintégration au travail.

Pour ces motifs, le grief est accueilli, en partie. L’arbitre ordonne que le plaignant soit réintégré dans ses fonctions, toujours sujet aux dispositions de son contrat d’emploi, pour une durée de temps semblable, sans perte d’ancienneté et sans dédommagement pour sa perte de salaire et d’avantage sociaux.

 

Le 15 décembre 2008 L’ARBITRE

(signé) MICHEL G. PICHER