BUREAU D’ARBITRAGE ET DE MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

 

CAUSE NO. 3872

 

entendu à Montréal, le jeudi, 11 février 2010

 

concernant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

et

 

LA CONFÉRENCE FERROVIAIRE DE TEAMSTERS CANADA

 

LITIGE :

            Avis signifié selon le paragraphe 79.2, Article 79 de la convention collective 4.16 applicable au Territoire du Nord du Québec (TNQ) et impliquant Chambord/Jonquière.

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

            Par lettre du 28 avril 2009, la Compagnie avise le Syndicat de son intention de réduire de seize (16) à treize (13) le nombre de postes affectés au territoire  du Nord du Québec à Chambord/Jonquière et ce, à compter du 28 août 2009.

 

            Le Syndicat soutient qu’en raison de la lettre No. 9 de l’Avenant du TNQ du 22 juin 2002, la Compagnie ne peut effectuer une telle réduction.

 

            La Compagnie maintient sa position.

 

POUR LE SYNDICAT :                                 POUR LA COMPAGNIE :

LE PRÉSIDENT GÉNÉRAL                               POUR : LE VICE-PRÉSIDENT, EST DU CANADA

(SGN.) D. JOANNETTE                               (SGN.) D. GAGNÉ

Représentaient la Compagnie :

D. Gagné                              – Directeur prtincipale, Relations de travail, Montréal

A. Daigle                               – Directrice, Relations de travail, Montréal

R. MacDougall                     – Premier directeur, Relations de travail, Montréal

Et représentaient le Syndicat :

D. Joannette                         – Président général, Ville de Québec

L. Villeneuve                         – Président local, Roberval

Y. Levesque                         – Président, Jonquière

Et représentaient l‘Intervenant :

R. Leclerc                             – Président général, Grand-Mère

 


SENTENCE ARBITRALE

 

            Le syndicat soutient que la Compagnie n’a pas le droit de réduire le nombre d’effectifs à Chambord et à Jonquière. Elle se base sur le libellé d’une lettre d’entente, la lettre No. 9 de l’Avenant du TNQ du 22 juin 2002. Selon les représentants syndicaux, la lettre No. 9 est catégorique, et ne permet pas de réduire le nombre d’employés à ces deux gares à moins d’une réduction dans le trafic, chose qui n’est pas arrivée.

 

            La compagnie se base, en partie, sur les décisions BAMCFC 3519 et 3537 pour plaider que la seule façon de réduire le niveau d’emploi dans toutes les gares du systèmes, y-compris Chambord et Jonquière, est par l’émission d’un avis conformément aux dispositions de l’article 79 de la convention collective. Elle prétend que l’exception établie pour Chambord et Jonquière est que dans ces gares le niveau d’employés peut être diminué sans avis sous l’article 79 lorsqu’il s’agit d’une baisse dans le tonnage transporté au sud de Chambord, mais qu’autrement l’article 79 lui est disponible pour effectuer une réduction des effectifs.

 

            Il semble convenu que la lettre No. 9 a été conclue le 12 mai 1995 pour satisfaire à la demande de la compagnie d’établir un seul tableau de relève commun pour Chambord et Jonquière. D’après le syndicat, en échange pour cette concecession le syndicat à obtenu une garantie quant au nombre de positions dans ces deux gares, nombre qui ne peut être réduit à moins d’une réduction dans le tonnage transporté. Comme il n’y a pas eu de réduction du tonnage sur le territoire, le syndicat prétend que l’employeur ne peut réduire les effectifs par un avis sous l’article 79 de la convention collective.

 

            Le texte de la lettre No. 9 se lit comme suit :

 

La présente fait suite à nos discussions tenues à Jonquière le 4 mai 1995 relativement à la création d’une liste de relève unique à Jonquière.

 

En effet, à la création du CFILNQ, deux listes de relève étaient créées, soit une à Jonquière et une seconde à Chambord. Certaines difficultés étaient anticipées quant à la distribution de la main d’oeuvre aux deux gares de détachement. Afin de palier aux besoins de l’exploitation, il a été convenu d’établir une liste unique à Jonquière qui répondrait aux besoins de relève à Chambord et à Jonquière.

 

Dans l’établissement de cette liste, nous nous sommes engagés aux conditions suivantes :

 

1)    Le nombre actuel de postes (32) sera maintenu pour la durée de I’entente à moins d'une réduction de trafic. Les besoins en main d’oeuvre seront évalués à tous les changements d’horaire en comparant le tonnage moyen transporté au sud de Chambord au moment de ce changement d’horaire et le tonnage moyen transporté lors de la création du CFILNQ. Le volume moyen actuel transporté a été évalué à 60,000 tonnes/semaine.

 

2)    Il est entendu qu’une indemnité de deux (2) heures est consentie aux employés de la liste de relève qui sont appelés pour une affectation originant de Chambord sans égard du lieu de résidence. De plus, cet employé assurera son propre transport et aura droit à l’indemnité de déplacement en automobile prévue à l’item 20.2 de l’entente. Cette indemnité de deux (2) heures ne sera pas incluse dans la journée de travail.

 

3)    Les affectations temporaires seront affichées aux deux gares d’attache soit Jonquière et Chambord. Évidemment, les employés qui se verront attribués une affectation ne seront pas éligibles aux indemnités décrites à l’item 2.

 

            L’employeur prétend que les décisions BAMCFC 3519 et 3537 statuent è l’effet que la compagnie peut néanmoins réduire les effectifs à Chambord et Jonquière en fournissant l’avis prévu à l’article 79 de la convention collective qui traite des modifications importantes des conditions de travail.

 

            L’Arbitre ne peut accueillir cette position. Force est de constater que les décisions de l’arbitre Moreau ne traitent aucunement de l’effet de la lettre No. 9 , mais se limitent plutôt à l’application de la lettre No. 7, un avenant daté le 27 juin 2002 qui se lit :

 

La présente porte sur l’Avenant intervenue relativement à l’exploitation du territoire Nord du Québec.

 

Au cours de nos discussions qui ont mené à cette entente, il a été mention du maintien d’un niveau d’emploi pour les territoires du Nord du Québec

 

Les parties ont convenu que le nombre de postes pour chacun de ces territoires serait établi comme suit :

Garneau                            32

Senneterre                        52

Chambord/Jonquière        32

 

            Ce qui occupait l’arbitre Moreau dans les décisions BAMCFC 3519 et 3537 était à savoir si le libellé de la lettre No. 7 assurait un minimum d’employés que la compagnie ne pouvait réduire. L’arbitre Moreau a tranché en faveur de l’employeur, déclarant que la lettre en question ne limitait aucunement la discrétion de l’employeur d’avoir recours au dispositions de l’article 79 de la convention collective pour effectuer des changements qui comprendraient la réduction des effectifs. Il n’avait pas a se prononcer sur l’effet de la lettre No. 9 à Chambord/Jonquière.

 

            Dans sa décision dans le dossier BAMCFC 3519, l’arbitre c’est exprimé, en partie, comme suit :

 

L’arbitre souscrit à l’avis de la Compagnie qu’un plancher d’emploi est un bénéfice substantiel. Il est donc nécessaire d’avoir un langage plus précis, semblable à celui que l’on retrouve à la lettre #9, et lequel confirmerait d’une façon précise que le nombre de postes sera maintenu dans chaque terminus pour la durée de l’avenant. Comme l’arbitre Picher a écrit dans CROA 2932:

 

… The parties to this collective agreement are not unfamiliar with the drafting of collective agreement provisions of some complexity. They should, I think, be expected to have made some clear provision in writing, in the fashioning of their arrangement in the fall of 1994, if the mutual intention was to provide to hybrid conductors working in time pools at Toronto North with the protection of a basic day’s pay when not called in unassigned service, particularly where they have received timely notice of the cancellation of their regular assignment, in keeping with the provisions of article 61.8 of the collective agreement. …

 

Le langage employé dans la lettre #7 établit des postes, mais ne garantie pas le nombre de postes pendant le terme de l’avenant. En l’absence d’un langage précis relativement à la question de garantie, l’article 79.2 prévoit, selon l’avis de l’arbitre, que la Compagnie a le droit, lors de « la répartition de travail », de prendre de telles mesures, c’est-à-dire de réduire de deux postes le nombre de postes à Garneau.

 

            Comme l’arbitre Moreau, je vois une distinction importants en ce qui concerne la lettre No. 9. Cette dernière est claire et sans équivoque. Elle stipule que la compagnie s’engage à maintenir le nombre actuel de 32 postes à Chambord/Jonquière « … à moins d’une réduction de trafic. » Or, comme il semble convenu qu’il n’y a pas eu e réduction de trafic, comment est-ce que l’employeur peut se prévaloir de l’article 79 pour ne plus maintenir les 32 postes dans ces gares?

 

            Il est important de noté que les dispositions de l’article 79 existaient au moment où la lettre No. 9 à été convenue. Or, force est de conclure que les parties ont effectivement négocié la lettre No. 9 comme une exception particulière. Cette exception aurait comme effet de réduire le champ d’action pour l’employeur en ce qui concerne l’application de l’article 79, pour réduire les postes dans ces gares qui partagent une seule liste de relève. Effectivement, d’après les dispositions très claires de la lettre No. 9, pendant la durée de l’entente (qui comprend le moment où l’avis de l’employeur à été donné) la compagnie ne peut réduire les postes à Chambord/Jonquière à moins d’une réduction de trafic. Comme il ne semble pas contesté qu’il n’y a pas eu de réduction de trafic, je dois en venir à la conclusion que le syndicat à raison, et que les postes ne peuvent être supprimés. De conclure autrement enlèverait, à mon avis, tout sens et toute conséquence à la lettre No. 9 et l’échange de concessions qu’elle représente.

 

            L’Arbitre comprend la position de la compagnie. Il semblerait que son engagement entraîne le paiement de montants importants en garanti de salaire dans ces gares. Mais il incombe à l’Arbitre d’interpréter la convention collective telle qu’elle est. Si l’employeur veut modifier les engagements entrepris dans la lettre No. 9, il doit le faire en négociant une entente à cet effet avec le syndicat, au moins pendant la durée de l’entente.

 

            Pour tout ces motifs le grief est accueilli. L’Arbitre ordonne à la compagnie de retiré la lettre du 28 avril 2009, de rétablir immédiatement les postes supprimés à Chambord/Jonquière et de dédommager les employés qui auraient été affectés par ces réductions.

 

 

Le 26 février 2010                                                                                          L’ARBITRE

 

 

                                                                                                           (signé) MICHEL G. PICHER