BUREAU D’ARBITRAGE ET DE MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

 

CAUSE NO. 3904

 

entendu à Montréal, le jeudi 13 mai 2010

 

concernant

 

VIA RAIL CANADA INC.

 

et

 

LA CONFÉRENCE FERROVIAIRE DE TEAMSTERS CANADA

 

 

LITIGE :

 

            Monsieur Laroche a été congédié le 9 avril 2009 pour ne pas s’être rapporté au travail le 12 mars 2009 suite à un rappel au travail ainsi que pour son comportement résultant à la déposition de charges criminelles qui on eu un effet négatif sur les intérêts légitimes de la Société.

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

 

            Monsieur Laroche était un mécanicien de locomotive à VIA jusqu’à ce qu’il démissionne en juin 2006. Monsieur Laroche avait été embauché comme un nouvel employé en avril 2008 afin de remplacer un mécanicien de locomotive en congé de maladie à long terme. Il a été mis-à-pied en octobre 2008. Monsieur Laroche a été rappelé au travail et devait se rapporter à la Gare Centrale en date du 12 mars 2009. Il ne s’est pas présenté au travail à cette date.

 

            La Société a appris par l’entremise des médias que monsieur Laroche avait été mis en accusation de charges criminelles pour avoir participé à un organisation criminelle, des infractions au profit d’une organisation criminelle et à la loi d’assise. Monsieur Laroche a été convoqué à une enquête le 2 avril 2009 pour ne pas s’être présenté au travail et pour les accusations criminelles portées contre lui. Suite au résultat de l’enquête, monsieur Laroche a été congédié.

 

            Le Syndicat a soumis un grief pour le congédiement de monsieur Laroche. Le Syndicat maintient que monsieur Laroche doit bénéficier de la présomption d’innocence tant et aussi longtemps que les procédures judiciaires ne sont pas terminées et que la décision de congédier monsieur Laroche est excessive.

 

            La Société maintient que la terminaison d’emploi de monsieur Laroche était nécessaire afin de protéger les intérêts légitimes de celle-ci et qu’en toutes circonstances la décision est appropriée.

 

POUR LE SYNDICAT :                                 POUR LA SOCIÉTÉ:

PRÉSIDENT GÉNÉRAL                                     CONSEILLER PRINCIPAL, RELATIONS DE TRAVAIL

(SGN.) R. LECLERC                                     (SGN.) A. RICHARD

 

Représentaient la Société :

A. Richard                            – Conseiller Principal – Relation de travail, Montréal

D. Vallières                           – Chef principal – Exploitation, Montréal

D. Stroka                              – Conseillère principale de relation de travail, Montréal

 

Et représentaient le Syndicat :

R. Leclerc                             – Président général, Grand-Mère

R. Laroche                            – Plaignant

 

SENTENCE ARBITRALE

 

            La preuve démontre que le plaignant ne s’est pas présenté au travail le 12 mars 2009. Il était alors incarcéré, suite à une descente policière. Il fait face à des charges criminelles alléguant sa participation à un complot pour commettre un acte criminel (article 465(1) du Code Criminel) sa participation à une organisation criminelle et activités au profit d’une organisation criminelle (articles 467.11(1) et 467.12(1) du Code Criminel) ainsi que des infractions relativement à des activités dans le marché noir du tabac et de cigares (articles 216(01) du Code Criminel). Face à ces charges, après une enquête pendant laquelle le plaignant a refusé de répondre aux questions de l’employeur, il a été congédié pour avoir manqué au travail le 12 mars 2009 ainsi que pour « votre comportement résultant à la déposition de charges contre vous … et les effets négatifs sur les intérêts légitimes de l’employeur. »

 

            M. Laroche à déjà subit une suspension en circonstances similaires, en 2002 (voir BACFC 3311). Dans la décision BACFC 3311 ce bureau c’est exprimé, en partie, comme suit :

 

Assuming, without finding, that the matters in relation to which Mr. Laroche has been charged criminally are entirely unrelated to his employment – a matter which will only be clarified based on the evidence which may emerge at his trial – this Office has had prior occasion to consider the principles which apply to the merits of a suspension pending determination of non work-related criminal charges. In CROA 1703 the following passage appears in that regard:

 

A first issue in the instant case is whether the Company was justified in holding the grievor out of service pending its investigation. The conduct for which he was criminally charged appeared, on its face, to involve activities away from the workplace and on the grievor’s own time. It is well-established that the laying of a criminal charge does not, of itself, justify the suspension of an employee, particularly where the conduct giving rise to the charge does not appear to be work-related. In some cases, however, off-duty conduct that is the subject of a criminal charge may seriously affect the legitimate interests of the employer. The operative principle was well summarized by the majority of the board of arbitration in Re Ontario Jockey Club and Mutuel Employees Association (1977) 17 L.A.C. (2d) 176 (Kennedy) at p. 178:

 

… The better opinion would appear to be that the employer’s right to suspend where an employee has been charged with a criminal offence must be assessed in the light of a balancing of interests between employer and employee. The employee, of course, has a legitimate interest in being considered innocent until he has been proven guilty. If, however, the alleged offence is so related to the employment relationship that the continued employment of the employee would present a serious and immediate risk to the legitimate concerns of the employer as to its financial integrity, security and safety of its property and other employees as well as its public reputation, then indefinite suspension until the charges have been disposed of would appear to be justified. In determining the nature of the legitimate interests of the employer, it is necessary to look at the nature of the offence, the work being performed by the employee, and the nature of the employer’s business.

 

(See also Re Oshawa General Hospital and Ontario Nurses Association, (1981), 30 L.A.C. (2d) 5 (Adams) where a board of arbitration sustained the suspension by a hospital of a nurse found in possession of a substantial quantity of marijuana and marijuana plants, and charged with the possession of narcotics for the purposes of trafficking and see, generally, Re Hydro Electric Commission of the City of Hamilton and International Brotherhood of Electrical Workers, Local 138, 1984, 13 L.A.C. (3d) 204 (Devlin)).

 

            La jurisprudence établit clairement que la suspension d’un employé qui fait l’objet d’accusations criminelles importantes est justifiée dans la mesure où les accusations porteraient atteinte à l’image et à la réputation de l’entreprise.

 

            Mais le dossier qui nous occupe va beaucoup plus loin. M. Laroche est tout simplement congédié, Or, s’il s’avère que les accusations contre lui sont complètement fausses et sans fondement, il perdrait son emploi sans avoir commis la moindre faute aux yeux de la loi. Je ne peux me rallier à une telle application des principes de la discipline industrielle.

 

            Je suis d’avis que les activités reprochés à M. Laroche sont graves et seraient de nature à endommager les intérêts légitimes de la Société. Mais face à de telles accusations, toujours non-prouvés, il me semble que les intérêts de l’employeur sont pleinement protégés dans la mesure ou l’employé demeure suspendu jusqu’à ce que le processus judiciaire mène à une conclusion quant à la culpabilité de l’employé. En général, dans la société contemporaine du Canada, le simple fait d’être accusé n’est pas en soi une infraction qui justifie une punition, qu’elle soit civile ou criminelle. Par contre, moyennant la décision finale des tribunaux qui traitent des accusations graves contre le plaignant, l’employeur est en raison de le suspendre.

 

            Pour ces motifs le grief est accueilli, en partie. J’ordonne que le plaignant soit remis sur la liste des employés, sans perte d’ancienneté, sujet à une suspension qui durera jusqu’à la résolution finale des accusation criminelles contre lui, sans déroger au droit de la Société de prendre la décision qu’elle jugera appropriée si en fin de compte le plaignant est trouvé coupable d’une infraction criminelle qui est importante et est de nature à nuire à ses intérêts légitimes.

 

 

Le 17 mai 2010                                                                                  L’ARBITRE

 

 

                                                                                              (signée) MICHEL G. PICHER