BUREAU D’ARBITRAGE ET DE MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

 

CAUSE NO. 3905

 

entendu à Montréal, le jeudi 13 mai 2010

 

concernant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

et

 

LA CONFÉRENCE FERROVIAIRE DE TEAMSTERS CANADA

 

SUR REQUÊTE ÉMANANT D’UNE SEULE PARTIE

 

LITIGE :

 

            Sanction disciplinaire imposée au dossier de monsieur Carrier à compter du 25 février 2009.

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

 

            Le 25 février 2009, monsieur Carrier est affecté à titre de chef de train sur le train U78121-25 et communique avec le Contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) à 12 h 56 pour s’inscrire en repos selon les dispositions de l’article 51 de la convention collective 4.16.

 

            À l’arrivée du train au triage Taschereau, la Compagnie demande à l’équipe de continuer le parcours et l’équipe avise qu’elle ne dispose que de quarante-cinq (45) minutes. Le train en question n’a pu être conduit à destination, en l’occurrence Montréal Nord, tel que l’aurait voulu la Compagnie.

 

            À la suite d’une enquête, 45 notes défavorables sont attribuées au dossier de monsieur Carrier entraînant de ce fait son congédiement pour accumulation de plus de 60 mauvais points à compter du 4 mars 2009.

 

            Dans le grief qu’il a déposé, le Syndicat conteste cette mesure disciplinaire et soumet que la Compagnie n’a pas été impartiale dans son jugement et que l’attribution de ladite sanction était abusive et non méritée.

 

            Le Syndicat demande le retrait des 45 notes défavorables du dossier de monsieur Carrier ayant conduit à son congédiement, le paiement de perte salariale ainsi que le rajustement du montant touché par monsieur Carrier lorsqu’il n’a eu d’autre choix que d’opter pour la valeur de capitalisation, car cette dernière ne comportait aucune pénalité.

 

POUR LE SYNDICAT :

PRÉSIDENT GÉNÉRAL

(SGN.) D. JOANNETTE

 

Représentaient la Compagnie :

D. Gagné                              – Premier directeur – Relation de travail, Montréal

A. Daigle                               – Directrice – Relation de travail, Montréal

J. Bunchet                            – Superviseur – Transport,

M. Vachon                            – Directeur terminal

 

Et représentaient le Syndicat :

D. Joannette                         – Président général, ville de Québec

P. Carrier                              – Plaignant

 

SENTENCE ARBITRALE

 

            En l’espèce, comme dans tout dossier disciplinaire, la compagnie à la fardeau de la preuve. Elle doit démontrer, selon la prépondérance de la preuve, que M. Carrier a refusé de suivre les directives d’un officier de la compagnie, tel qu’il lui est reproché sur la fiche 780, l’avis de discipline qui lui a été donné lors de l’attribution des 45 points de démérite à son dossier. Il est a noté qu’en trente-cinq ans de service M. Carrier s’est vu imposer des points de démérite seulement trois fois et jamais pour une mesure aussi importante de mauvais points.

 

            Je dois en venir à la conclusion que l’employeur n’a pas démontré que le plaignant a refusé de suivre la directive de son superviseur. La preuve établit que M. Carrier et son compagnon de travail, le mécanicien de locomotive Robert Devost, ont déclaré qu’ils prendrait leur repos à 16 h 15 le 25 février, lorsqu’ils complétaient leur trajet de Joffre à Montréal, ayant été en devoir depuis 05 h 15. Ils étaient en droit de réclamer le repos après onze heures en service.

 

            Il semble que lorsque la compagnie à demandé à l’équipe de continuer en route vers la cour de Rivière des Prairies, M. Carrier aurait exprimé certains doutes quant à la possibilité de le faire sans dépasser la limite légale des onze heures de service. Je suis néanmoins satisfait qu’on leur demandait d’aller au moins aussi loin que possible vers Rivières des Prairies, et qu’une relève pourrait être effectuée en route.

 

            M. Carrier était en train de suivre la directive qu’on lui avait donné, en alignant un aiguillage qui permettrait à son train de quitter le triage de Taschereau en direction de Rivières des Prairies. À ce moment là son mécanicien de locomotive, M. Devost, s’est déclaré inapte a travailler en raison de fatigue, et de son propre chef il a obtenu la permission de reculer son train dans une voie libre du triage. Cette décision et le mouvement en question ont été pris sans la connaissance de M. Carrier, qui n’avait pas de radio en sa possession au moment où il alignait l’aiguillage.

 

            Le témoin principal de la compagnie, M. Jean Blanchet, était le superviseur qui a émis les directives à M. Carrier et M. Devost. Ayant entendu à la radio que leur train reculait dans le triage, il s’est rendu sur les lieux pour rappeler aux employés qu’ils refusaient de suivre sa directive, ce qui pourrait entraîner des conséquences disciplinaires. Selon le superviseur Blanchet, lors de la discussion c’est M. Carrier qui s’objectait le plus à l’idée de continuer vers Rivières des Prairies, soulevant le danger d’échanger les équipes à Montréal Nord et plaidant la difficulté d’atteindre Rivières des Prairies avant l’heure déclarée de leur repos.

 

            Avec tout de respect dû à M. Blanchet, que je juge avoir agi de bonne foi, il n’y a rien dans sa preuve, ni dans l’ensemble des matériaux devant moi, pour établir que M. Carrier a refusé de suivre ses directives. Au contraire, la preuve de M. Carrier, qui n’est pas contredite, est à l’effet qu’il faisait le nécessaire pour aligner les aiguillages pour permettre à son train de prendre la route pour Rivières des Prairies, et qu’à ce moment là son mécanicien de locomotive a communiqué avec le chef de triage pour se déclarer inapte à continuer en raison de fatigue et pour obtenir la permission de reculer son train dans le triage. Or, en ce qui concerne M. Carrier, la décision de ne pas suivre la directive de M. Blanchet n’était aucunement la sienne. En tout temps il était prêt, même si s’était à contrecoeur, à continuer à travaillé jusqu’à la limite de ses heures permises avant le repos. Il n’y avait donc pas juste cause pour une discipline contre M. Carrier pour cet incident, encore moins pour le congédiement d’un employé avec trente-cinq ans de bon service.

 

            Pour ces motifs le grief est accueilli. J’ordonne que le plaignant soit réintégré dans ses fonctions, sans perte d’ancienneté et sans perte de salaire et d’avantages sociaux. Comme M. Carrier a choisi de prendre sa retraite, je remets le dossier entre les mains des parties pour discuter des aspects de dédommagement, demeurant saisi du litige pour résoudre toute mésentente, s’il y a lieu.

 

Le 17 mai 2010                                                                                  L’ARBITRE

 

                                                                                              (signée) MICHEL G. PICHER