BUREAU D’ARBITRAGE & MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

 

CAUSE NO. 3993

 

entendu à Montréal, mercredi, le 13 avril 2011

 

opposant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

And

 

LA CONFÉRENCE FERROVIAIRE DE TEAMSTERS CANADA

 

LITIGE :

 

            Le congédiement du chef de train M. Carrier à compter du 8 janvier 2010.

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

 

            Le 14 juillet 2008, M. Carrier travaille comme chef de train sur les trains de banlieue et est impliqué dans un incident durant lequel il subit un traumatisme psychologique. Du 3 au 19 août 2009, M. Carrier est toujours en arrêt de travail et prétend ne pas être apte à une réinsertion graduelle au travail. Les 10, 11, 13, 14 et 18 août 2009, il fait l’objet d’une filature par une firme de détectives privés. La filature révèle que M. Carrier travaille activement dans une petite entreprise d’informatique dont il est président.

 

            Le 26 novembre 2009, M. Carrier produit une déclaration officielle. Le 4 décembre 2009, il produit une déclaration supplémentaire.

 

            Suite à ces enquêtes, M. Carrier est congédié pour ses « activités incompatibles avec votre arrêt de travail entre le 3 et 19 août 2009 en relation avec l’arrêt de travail suite à un incident du 14 juillet 2008. »

 

            Le Syndicat est d’avis que le congédiement est injustifié et demande la réintégration de M. Carrier.

 

            La Compagnie rejette la demande du Syndicat.

 

POUR LE SYNDICAT :                                           POUR LA COMPAGNIE :

LE PRÉSIDENT, COMITÉ GÉNÉRAL D’AJUSTEMENT           POUR : LE VICE-PRÉSIDENT, EST DU CANADA

(SGN.) D. JOANNETTE                                          (SGN.) A. DAIGLE

           

Représentaient la Compagnie :

A. Daigle                                         – Directrice, Relations de travail, Montréal

D. Gagné                                        – Directeur, Relations de travail, Montréal

D. Larouche                                   – Directrice, Relations de travail, Montréal

S. Mimeau                                      – Intervenant social, Intervention sociale Armand

I. Legault                                         – Superviseur, Intervention sociale Armand

D. Parent                                        – Surintendant adjoint, Montrain

Et représentaient le Syndicat :

D. Joannette                                   – Président général, Ville de Québec

A. Gatien                                        – Président local, Montréal

B. Carrier                                        – Plaignant

 

SENTENCE ARBITRALE

 

            La preuve démontre que le plaignant a subi un traumatisme psychologique suite à un incident de travail où il a été le témoin d’un suicide. Il ne semble pas contesté qu’en fait M. Carrier a été impliqué plus d’une fois dans les incidents de suicide ou de tentative de suicide où les victimes se sont lancés devant son train. L’évènement en question a entraîné un long absence du travail pendant laquelle le plaignant recevait des médicaments en plus du suivi d’une psychologue et d’un psychiatre.

 

            Pendant une période de réintégration graduelle au travail M. Carrier a réagi face à ce qu’il croyait être le désir de l’employeur de le retourner en fonction d’une façon trop accélérée. Il s’est alors absenté du travail du 3 au 19 août, toujours sous certificat médical et en réception des prestations de la CSST. Pendant cette période il a passé ses journées au bureaux d’une entreprise en informatique dont il est le président-actionnaire. Ces activités ont été documentés suite à une filature d’une firme de détectives privés retenus par la Société.

 

            Après étude soigneux du dossier, l’Arbitre n’est pas d’avis que le plaignant a tenté de dissimuler son état physique ou de tromper son employeur. Son entreprise privée était connue de l’employeur ainsi que de ces médecins et de son psychologue soignant. Il n’y a rien dans le dossier pour indiquer que son médecin traitant considérait que de s’impliquer dans son entreprise serait incompatible avec les symptômes de son traumatisme psychologique. Néanmoins, à la lumière de la filature, la Société a convoqué M. Carrier à une enquête et par la suite l’a congédié « Relativement à vos activités incompatibles avec votre arrêt de travail … ».

 

            Je ne considère pas que les activités du plaignant, en soi, justifiaient son congédiement. Cependant, il n’y a pas lieu, en l’espèce, de dédommager M. Carrier pour sa perte de salaire et d’avantages sociaux, à cause de certaines des réponses qu’il a donné lors de son enquête disciplinaire. D’une part, il a insisté qu’il ne travaillait pas à son entreprise nonobstant que la filature le montre dans le bureau de l’entreprise en train de répondre aux questions d’un agent enquêteur qui prétend être un client, alors qu’il portait un appareil téléphonique sans fil sur la tête. De plus, à plusieurs reprises il a refusé de répondre aux questions à l’enquête disciplinaire, disant : « Je n’ai aucun commentaire à fournir. » Il me semble qu’une posture aussi défensive pouvait facilement induire l’employeur à croire qu’il s’agissait alors d’une tromperie de la part du plaignant.

 

            Pour ces motifs, le grief est accueilli, en partie. J’ordonne que M. Carrier soit réintégré dans ses fonctions sans perte d’ancienneté et sans dédommagement pour sa perte de salaire et d’avantages sociaux. La période entre son congédiement et sa réintégration sera notée sur son dossier comme une suspension pour son manque de coopération lors de l’enquête disciplinaire.

 

21 avril 2011                                                                                                                L’ARBITRE

 

 

                                                                                                       (signée) MICHEL G. PICHER