BUREAU D’ARBITRAGE & MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

CAUSE NO. 4024

entendu à Montréal, le 12 juillet 2011

opposant

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

et

LE SYNDICAT NATIONAL DE L’AUTOMOBILE, DE L’AÉROSPATIALE, DU TRANSPORT ET DES AUTRES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DU CANADA (TCA-CANADA)

LITIGE :

            Alléguée violation des articles 166 et 169 du Code canadien du travail dans l’application des dispositions du paragraphe 17.8 b) de l’article de la convention complémentaire, concernant le Tableau de remplacement.

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

            Le syndicat maintien que les dispositions de l’article 17.8 b) sont en violation des articles 166 et 169 de Code canadien du travail. Le Syndicat maintien que les employés du tableau de remplacement couvert par les dispositions de l’article 17.8 b) de la convention complémentaire, devraient être payés en temps supplémentaire pour les heures effectuées en deçà de 8 heures durant une période de 24 heures.

 

            La Compagnie rejette les prétentions du Syndicat.

 

POUR LE SYNDICAT :                                       POUR LA COMPAGNIE :

REPRÉSENTANT NATIONAL                                  DIRECTEUR, RESSOURCES HUMAINES

(SGN.) D. ST-LOUIS                                           (SGN.) D. LAURENDEAU

 

Représentaient la Compagnie :

D. Laurendeau                               – Directeur, Ressources humaines, Montréal

S. Grou                                           – Directrice principale – Relations du travail, Montréal

L. Poitras                                        – Coordonnatrice, Montréal

M. Vezina                                       – Directeur – Terminal intermodal, Montréal

R. Bateman                                    – Premier Directeur – Relations du travail, Toronto

Et représentaient le Syndicat :

A. Rosner                                       – Représentant national, Montréal

J. Savard                                        – Représentant national, Montréal

A. St-Pierre                                    – Vice-président – Intermodal, Montréal

C. Jarry                                          – Vice-président, Montréal

 

SENTENCE ARBITRALE

            Il s’agit d’un grief syndical qui conteste la pratique de l’employeur concernant la rémunération des employés qui travaillent plus de huit heures dans une période de 24 heures. Le Syndicat prétend que l’employeur déroge aux exigences des articles 166 et 169 du Code canadien du travail. Pour sa part, la Compagnie soutient que les parties se sont entendues pour faire une modification de l’horaire de travail conformément au Règlement du Canada sur les normes du travail C.R.C., ch. 986.

 

            Il est clair qu’en principe un employé ne doit pas travailler plus de huit heures dans une période consécutive de vingt-quatre heures. À cet effet, l’article 169 du Code stipule :

169. (1)    Sauf disposition contraire prévue sous le régime de la présente section :

 

                 a)    la durée normale du travail est de huit heures par jour et de quarante heures par semaine;

 

                 b)    il est interdit à l’employeur de faire ou laisser travailler un employé au-delà de cette durée.

 

            Il est a noté que le Code défini un « jour » comme étant toute période de vingt-quatre heures consécutive. Les représentants de la Compagnie attirent à mon attention les dispositions du paragraphe 17.8 (b) de la convention collective, qui se lit comme suit :

 

17.8     Les membres du personnel inscrits au tableau de remplacement ont droit à une rémunération au taux des heures supplémentaires dans les cas suivants :

 

b)         pour toutes les heures travaillées au cours d'une deuxième affectation lorsqu'ils sont appelés à commencer cette deuxième affectation alors qu'il s'écoule moins de huit heures entre la fin de la première affectation et l'heure où ils sont tenus de se présenter au travail pour la deuxième affectation;

 

            Selon l’employeur cet article constitue l’entente des parties pour reconnaître que les taux de salaire supplémentaires ne sont pas payables pour le seul fait d’avoir travaillé plus de huit heures en vingt-quatre, mais plutôt seulement où il s’écoule moins de huit heures avant le commencement d’une deuxième affectation.

 

            Le représentant syndical prétend que cet article ne traite simplement pas de la question en litige et, de toute façon, ne se conforme pas aux exigences particulières du règlement qui traite de la forme des modifications de l’horaire de travail. (Règlement du Canada sur les normes du travail, C.R.C. ch. 986.)

 

            Force est de constater que le Syndicat à raison quant à son interprétation de l’article 169 (1) du Code et de son interprétation stricte de l’article 17.8 de la convention collective. J’accepte également le principe qu’il ne peut y avoir d’estoppel en ce qui concerne l’interprétation et l’application d’un droit statutaire.

 

            Cependant, je considère qu’il y a néanmoins raison de faire appel au principe de l’estoppel en l’espèce. Il ne semble pas contredit que les parties ont utilisé des tableaux de remplacement depuis près de vingt ans. Il est vrai qu’à l’occasion les tableaux ne fonctionnaient pas pour un certain temps. Mais toutefois il est bien établit que pendant presque vingt ans, dans la gestion des tableaux, le Syndicat ne s’est jamais objecté ni à la pratique de la Compagnie de ne pas payer de temps supplémentaire ni à l’interprétation de l’article 17.8 de la convention collective adoptée par la Compagnie. Or, dans les circonstances, même si j’accueille l’interprétation stricte de l’article 17.8 de la convention collective plaidée par le Syndicat, je dois conclure que le principe de l’estoppel rentre en jeu. Il faut souligner qu’il ne s’agit pas d’estoppel quant à l’application du Code, mais plutôt seulement en relation à l’interprétation de l’article 17.8 de la convention collective. Comme en pratique le Syndicat a accepté, pendant presque vingt ans, que cet article était l’équivalent d’une entente de modification de l’horaire de travail au sens du Règlement sous le Code, il serait maintenant inéquitable de permettre au Syndicat d’invoquer l’interprétation plus stricte de l’article 17.8, comme elle voudrait le faire dans ce grief.

 

            Je considère que la position en droit du Syndicat est correcte. Mais, en autant qu’elle a toujours accepté la pratique de l’employeur en ce qui concerne la portée et l’intention de l’article 17.8 de la convention collective, elle ne peut pas changer cet état de choses, du moins pas avant la fin de la durée de la convention collective qui est en vigueur. De retour à la table de négociation les parties seront alors en mesure de traiter de la portée de l’article 17.8 sur une base équitable.

 


            Pour ces motifs le grief est rejeté.

 

 

Le 18 juillet 2011                                                                                                         L’ARBITRE

 

 

                                                                                                         (signé) MICHEL G. PICHER