BUREAU D’ARBITRAGE & MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

CAUSE NO. 4043

entendu à Montréal, le mardi 11 octobre 2011

 

opposant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

And

 

LA CONFÉRENCE FERROVIAIRE DE TEAMSTERS CANADA

 

REQUÊTE ÉMANANT D’UNE SEULE PARTIE

 

 

LITIGE :

 

            Congédiement de monsieur Dominique Girard à compter du 26 janvier 2011.

 

EXPOSÉ DU CAS PAR LE SYNDICAT :

 

            Le 29 décembre 2010, monsieur Girard est affecté sur le train #L50421-20. Lorsqu’il se rend placer une coupe de wagons chez Borden, il constate une anomalie. En effet, il y avait un wagon avec une accumulation de métal.

 

            Le 19 janvier 2011, monsieur Girard est tenu d’assister à une enquête aux fins de produire une déclaration et suite à cette enquête, le 26 janvier 2011, la Compagnie informe monsieur Girard par lettre que ses services ne sont plus requis et ce, sans émettre d’imprime 780.

 

            Le Syndicat conteste ce congédiement et signale, qu’entre autres, une question posée par l’agent enquêteur n’est absolument pas appropriée, elle est inadéquate et ne démontre aucun impartialité.

 

            Le Syndicat est d’avis que cette enquête ne fut pas menée de façon juste et équitable puisque la Compagnie, en plus mettre fin unilatéralement à la déclaration de monsieur Girard, n’a pas immédiatement soumis toutes les pièces justificatives demandées, pourtant disponibles. Il appert plutôt que la Compagnie a tardé à les produire et reproche par la suite au représentant syndical de prendre le temps nécessaire à l’analyse de ces mêmes pièces.

 

            Le Syndicat demande l’annulation de l’enquête en question ainsi que de la lettre de la Compagnie du 26 janvier 2011 remerciant monsieur Girard de ses services.

 

            La Compagnie rejette la demande du syndicat.

 

POUR LE SYNDICAT :

 

PRÉSIDENT GÉNÉRAL

 

(SGN.) D. JOANNETTE

 

Représentaient la Compagnie :

A. Daigle                                         – Directrice – Relations travail, Montréal

D. Gagné                                        – Directeur principal – Relations travail, Montréal

G. Dunberry                                   – Surintendant, Québec

M. Pagé                                          – Surintendant adjoint, Québec

G. Fiset                                           – Superviseur, Signaux et Communications, Québec

 

Et représentaient le Syndicat :

D. Joannette                                   – Président général, Québec

J. Gagné                                        – Vice-président général, Garneau

D. Girard                                        – Plaignant

 

SENTENCE ARBITRALE

            Il s’agit d’un grief relativement à la fermeture du dossier d’emploi d’un employé en période de probation.

 

            La preuve démontre que le plaignant, M. Dominique Girard, a été engagé comme stagiaire dans le programme de chef de train le 14 juillet 2010. Suite à un incident survenu le 8 décembre 2010, M. Girard s’est vu infligé 20 mauvais points pour des dommages à de l’équipement suite à une prétendue violation de la règle 113 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada. Il est convenu que cette sanction disciplinaire est toujours sous appel par grief.

 

            Le 29 décembre 2010, pendant que M. Girard était toujours dans sa période de probation, il était affecté comme chef de train sur un train qui a voyagé de Joffre à St-Charles sur la subdivision Montmagny pour ensuite desservir des clients industriels sur la subdivision Lévis, dont la compagnie Frito-Lay et la compagnie Borden.

 

            Pour faciliter le service à Frito-Lay le plaignant a laissé une rame de 14 wagons de son train sur la voie principale. Il ne semble pas contesté qu’il a alors serré un frein à main sur un wagon pour sécuriser ces wagons, qui furent ensuite récupérés pour le trajet jusqu’à l’usine Borden. Rendu chez Borden le plaignant à découvert une accumulation de métal sur une des roues d’un des wagons. En fait, deux roues sur un même essieu avaient été endommagés par l’effet d’un frein à main qui avait été laissé serré, au point où ces roues ont dû être remplacées immédiatement sur le champ, à l’aide d’une grue.

 

            La Compagnie en est venue à la conclusion que le plaignant était responsable des dommages. Elle souligne à l’arbitre que d’après les données tirées d’un détecteur de boîte chaude (WIS) à St-Charles, il n’y avait aucune indication d’anomalies aux roues du train qui était sous la charge de M. Girard. D’après l’employeur, la seule explication pour les dommages encourus est que le plaignant a omis de défaire un frein à main qu’il a dû serré lors de son arrêt chez le client Frito-Lay. Selon la thèse de la Compagnie, le trajet entre Frito-Lay et Borden aurait donc causé les dommages.

 

            D’après la prépondérance de la preuve, je dois me rallier à la position de la Compagnie. Les données tirées du détecteur WIS à St-Charles confirment que les deux roues qui se sont avérés endommagés chez Borden étaient en état normal avant d’arriver chez le client Frito-Lay. Force est de conclure que les dommages à ces deux roues se sont manifestés entre l’usine Frito-Lay et l’usine Borden, parce qu’un frein à main qui a été engagé n’as pas été défait. Comme c’est le plaignant qui a manipulé les freins à main lors de l’arrêt sur la voie principale chez Frito-Lay, l’employeur en déduit raisonnablement qu’il a oublié de défaire le frein appliqué sur les roues en question, ce qui les a effectivement détruites.

 

            Le Syndicat prétend que la Compagnie n’a pas respecté les exigences d’une enquête juste et équitable. Elle souligne une question posée au plaignant qui présupposait qu’il avait oublié de défaire un frein à main. Dans un deuxième temps, le Syndicat s’objecte au refus de l’enquêteur d’accorder une remise de l’enquête pour permettre au plaignant et à sa représentante syndicale d’étudier la documentation fournie.

 

            Je ne peux accueillir cette objection. L’enquête disciplinaire n’est pas conçue comme étant un procès, mais plutôt comme une procédure relativement informelle qui permet à l’employé de connaître la preuve de l’employeur et d’y faire une réplique, tout dans le contexte d’une séance expéditive. La preuve révèle que la représentante syndicale a demandé un grand nombre de pauses le long de l’enquête et que ces pauses répétées risquaient d’imposer un délai déraisonnable à l’enquête. Je ne peux non plus conclure que le refus d’une remise a causé un préjudice aux intérêts du plaignant qui, de toute façon, n’avait pas droit à une enquête en tant qu’employé en probation. Je dois conclure que dans les circonstances ni le ton des questions posées ni le refus d’une remise de la part de l’enquêteur ont violé les règles d’une enquête juste et équitable.

 

            Pour ce qui est du fond du litige, je considère que la conclusion tirée par la Compagnie, à savoir que  le plaignant a causé les dommages aux roues en question, n’est pas une conclusion déraisonnable, arbitraire, discriminatoire ou faite de mauvaise foi. Comme il s’agit du congédiement d’un employé en probation, le standard de juste cause ne s’applique pas. La décision de l’employeur se conforme donc aux standards énoncés dans la jurisprudence (BACFC 1568 et 2725 et BAMCFC 4029).

 

            Pour ces motifs, le grief est rejeté.

 

 

Le 17 octobre 2011                                                                                                     L’ARBITRE

 

                                                                                                         (signé) MICHEL G. PICHER