BUREAU D’ARBITRAGE ET MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

 

CAUSE NO. 4075

 

entendu à Montréal, le mardi le 10 janvier 2012

 

opposant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

And

 

LA CONFÉRENCE FERROVIAIRE DE TEAMSTERS CANADA

 

LITIGE :

 

            Congédiement de monsieur Daniel Brunet à compter du 7 mai 2010.

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

 

            Le 20 avril 2010, monsieur Brunet est tenu de produire une déclaration en lien avec son comportement envers monsieur Jean-Pierre Meesen, employé de la Compagnie, en date du 14 avril 2010.

 

            Suite à cette enquête, monsieur Brunet est congédié pour « menaces envers l’employé Meesen qui sont à l’encontre de la politique en matière de droit de la personne – milieu de travail sans harcèlement ».

 

            Monsieur Meesen, après mûre réflexion, dépose subséquemment une plainte auprès de la Cour du Québec mais tel qu’il le précise dans sa déclaration du 20 avril 2010 également, le but visé n’était pas de faire perdre l’emploi à monsieur Brunet. Le 19 octobre 2011, monsieur Brunet est acquitté par ce tribunal de toute accusation.

 

            Le Syndicat maintient que le congédiement est extrêmement sévère et compte tenu de l’acquittement de monsieur Brunet, demande sa réintégration avec pleine compensation pour perte de salaire et avantages sociaux et sans perte d’ancienneté.

 

            La Compagnie a rejette la demande du Syndicat.

 

POUR LE SYNDICAT :                                       POUR LA COMPAGNIE :

PRÉSIDENT GÉNÉRAL                                           POUR : LE VICE-PRÉSIDENT, EST DU CANADA

(SGN.) D. JOANNETTE                                     (SGN.) A. DAIGLE

 

Représentaient la Compagnie :

A. Daigle                                         – Directrice – Relations de travail, Montréal

D. Gagné                                        – Premier directeur – Relations de travail, Montréal

F. Boucher                                     – Surintendant, Montréal

M. Boudreau                                  – Constable, Police du CN, Montréal

D. Larouche                                   – Directeur – Relations de travail, Montréal

 

Et représentaient le Syndicat :

D. Joannette                                   – Président général, Québec

A. Gatien                                        – Président, Comité local d’ajustement,

R. Tardif                                         – Mécanicien de locomotives,

D. Brunet                                        – Plaignant

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

            Je suis d’accord avec la Compagnie qui dit que les propos communiqués par M. Brunet à M. Jean-Pierre Meesen par téléphone le 14 avril 2010 constituaient des menaces inacceptables et une forme d’harcèlement d’un confrère d’emploi qui méritaient une peine disciplinaire des plus sérieuses.

 

            Mais à mon avis il y a également des aspects atténuants a considérer. Il semble qu’il y avait une certaine tension dans les relations entre M. Meesen et M. Brunet depuis beaucoup d’années. Pertinemment, les deux étaient co-équipiers sur une affectation de train qui a été impliquée dans une collision le 2 août 2002. Suite à une enquête, M. Meesen a alors été congédié alors que M. Brunet n’a subi qu’une peine de vingt points de démérite. Il ne semble pas contesté que M. Meesen, qui a été réintégré au travail pas la suite, croyait que M. Brunet avait été responsable pour son congédiement. La preuve offerte par le Syndicat de la part du mécanicien de locomotive Roger Tardif confirme que M. Meesen lui a fait des remarques à l’effet que M. Brunet avait causé son congédiement, ce que M. Tardif a communiqué à M. Brunet lorsqu’il travaillaient ensemble le 14 avril 2010. C’est ce jour même, évidemment fâché parce que M. Meesen exprimait des propos désobligeants derrière son dos, que M. Brunet a appelé M. Meesen au téléphone pour laisser un message sur son répondeur.

 

            Le message commence d’une façon relativement contrôlée, exprimant que la question du congédiement de M. Meesen revenait souvent dans les propos de M. Meesen avec d’autres employés. Il disait, en partie : « … toi tu fais aller contre moi, pis tu parles contre le monde surtout dans le 11ème il y a plein de monde qui me parle de toi qui parle de moi. » M. Brunet fait alors allusion à un avertissement qu’il avait déjà exprimé à M. Meesen à ce sujet. Malheureusement, le ton se détériore à la fin du message où M. Brunet dit, en parti : « Fais que j’apprécierais pour la 2ème fois, parce que je te l’ai déjà dit de fermer ta gueule à mon sujet, pis à l’avenir je vais t’en faire une moi, aussi une réputation ça va se jouer à 2, pis regarde-moi plus pis adresse-moi plus jamais la parole, parce que je te jure qu’un moment donné que je vais t’arracher la tête, il va se passer des affaires entre moi, pis toi que t’aimera pas. … si j’entends parler de toi encore je te jure que ça va aller mal, un moment donné il va ce passer des choses. »

 

            Le question à trancher est à savoir si le congédiement du plaignant était justifié, ou si une peine réduite serait appropriée. Dans un premier temps, il faut noter que la jurisprudence reconnait que dans certaines circonstances, une menace contre un autre employé peut entraîner moins que le congédiement (voir BAMCFC 3696). Il est aussi pertinent de reconnaître que malgré le fait que M. Meesen a déposé une plainte auprès de la police de la Compagnie, ni lui ni la police se sont présentés en cour lors de son procès, ce qui a entraîné un jugement de non-culpabilité.

 

            M. Brunet n’est pas un employé sans antécédents disciplinaires. Mais, force est de constater que dans ses vingt-trois année de service, M. Brunet n’a jamais été discipliné pour une inconduite semblable. Même si je suis d’accord que ses paroles adressées à M. Meesen étaient clairement inacceptables, je dois toutefois reconnaître qu’il s’agissait d’abord d’une provocation de la part de M. Meesen et ensuite d’une réaction de colère dans un cas isolé qui tombe nettement en dehors du caractère normal de M. Brunet. Je ne crois pas que cet incident en soi a brisé le lien de confiance avec cet employé de long service. Il y a donc lieu de réintégrer le plaignant au travail, quitte à la substitution d’une suspension sévère.

 

            Le grief est donc accueilli, en partie. J’ordonne que le plaignant soit réintégré dans ses fonctions, sans perte d’ancienneté et sans dédommagement pour sa perte de salaire et d’avantages sociaux. La période entre son congédiement et son retour au travail sera notée comme suspension pour les évènements du 14 avril 2010.

 

Le 16 janvier 2012

L’ARBITRE

(signé) MICHEL G. PICHER