BUREAU D’ARBITRAGE ET MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

 

CAUSE NO. 4088

 

entendu à Montréal, le mercredi, 15 février 2012

 

opposant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

And

 

LA CONFÉRENCE FERROVIAIRE DE TEAMSTERS CANADA

 

LITIGE :

 

            Attribution de vingt (20) mauvais points au dossier de monsieur P. D’Estimauville ayant conduit à son congédiement à compter du 11 mai 2011 pour « accumulation de plus de 60 mauvais points ainsi que le non-respect de votre entente de dernière chance. »

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

 

            Le 19 avril 2011, monsieur D’Estimauville fut tenu d’assister à une enquête aux fins de produire une déclaration pour son implication dans la collision latérale entre le wagon UTLX 67148 et le wagon STYX 72490 survenue alors qu’il agissait comme agent de triage sur l’affectation YGUS30 le 14 avril 2011.

 

            Suite à cette enquête, une sanction de vingt (20) mauvais oints fut attribuée au dossier de monsieur D’Estimauville et il fut subséquemment congédié pour accumulation de plus de soixante (60) mauvais points ainsi que le non-respect de son entente de dernière chance.

 

            Le Syndicat est d’avis que, compte tenu des circonstances, il n’y avait pas lieu de congédier monsieur D’Estimauville et sollicite sa réintégration.

 

            La Compagnie rejette la demande du Syndicat.

 

POUR LE SYNDICAT :                                       POUR LA COMPAGNIE :

PRÉSIDENT GÉNÉRAL                                           POUR J. F. LIEPELT

(SGN.) D. JOANNETTE                                     (SGN.) A. DAIGLE

 

Représentaient la Compagnie :

D. Larouche                                   – Directeur, Relations de travail, Montréal

D. Gagné                                        – Directeur principale, Relations de travail, Montréal

A. Daigle                                         – Directrice, Relations de travail, Montréal

Y. Hamelin                                     – Coordonnateur de trains, Garneau

D. VanCauwenbergh                     – Directeur, Relations de travail, Montréal

 

Et représentaient le Syndicat :

D. Joannette                                   – Président Général, Ville de Québec

M. Lefebre                                      – Président de locale,

P. D’Estimauville                            – Plaignant

 

SENTENCE ARBITRALE

La preuve démontre que le 14 avril 2011, le plaignant travaillait comme aide de manœuvre dans le triage de Garneau. Pendant son quart de travail lui et sa compagne de travail, Mme Lise Lévesque, qui agissait comme contremaître de triage, ont causé une collision entre deux wagons. Ils étaient alors dans l’obligation de faire un rapport immédiat à leur superviseur concernant cette collision, ce qui n’a pas été fait.

 

            Mme. Lévesque prétend avoir indiqué au chef de triage Daniel Brousseau qu’un wagon était endommagé et dans un état « B.O. ». M. Brousseau ni qu’on lui a dit que le wagon avait été endommagé pendant les manœuvres de triage. Selon lui, Mme. Lévesque lui a simplement dit qu’un wagon B.O. avait été déposé dans la voie S251. Ce n’est que le lendemain que les deux employés ont avisé leur superviseur de l’incident. À ce moment-là, un des deux wagons impliqués dans la collision était déjà parti sur un train, sans avoir subi d’inspection approfondie.

 

            Force est de constaté que le plaignant a manqué à son devoir d’aviser son superviseur immédiatement lors de la collision. Je ne peux accueillir l’explication de M. D’Estimauville qui dit qu’il croyait que Mme. Lévesque allait faire le rapport nécessaire. Pendant son enquête disciplinaire M. D’Estimauville a reconnu qu’il savait que Mme. Lévesque ne rapporterait pas l’incident immédiatement à son superviseur disant « Oui, j’ai mentionné mon désaccord à Mme. Lévesque. » Je dois donc en venir à la conclusion que le plaignant n’a pas rapporté la collision tout en sachant que Mme. Lévesque n’allait non plus la rapporter à leur superviseur, ce qui était clairement leur devoir.

 

            Au moment de cet incident le plaignant était sujet à une entente de réintégration « Dernière chance » signée le 24 février 2011, soit moins de deux mois avant la collision du 14 avril 2011. Cette entente stipule, entre autres :

 

5.    Toute mesure disciplinaire à votre endroit dans les 12 mois de service actif suivant la signature de cette entente entraînera votre congédiement et vous ne serez admissible ni au maintien de votre emploi ni à la réintégration. Dans le contexte de cette entente de « dernière chance », il n’y aura pas de grief à ce sujet.

 

            L’importance de respecter les ententes de dernière chance est bien reconnu dans la jurisprudence de ce bureau. Dans la cause BACFC 2743, l’arbitre c’est exprimé ainsi :

 

… The ability of employers and unions to make individual employees, whatever their personal problems, subject to strict conditions as a requirement of their continued employment is an instrument of great importance whose credibility should be sustained by employers, unions and arbitrators alike. In CROA 2632 the rationale for the reluctance of arbitrators to interfere with the consequences of the violation of such conditions was expressed in the following terms:

 

… To [interfere] would be tantamount to disregarding or amending the conditions agreed to between the parties, … As a matter of general policy, such settlements should be encouraged. As reflected in Canadian arbitral jurisprudence, arbitrators do not interfere with the terms of such settlements, as to do so would tend to discourage parties from resorting to them and, ultimately, undermine their utility as an important instrument for resolving disputes. …

 

See also CROA 2595 and 2704.

 

Suite à une enquête la Compagnie en est venu à la conclusion que l’implication du plaignant dans la collision latérale entre les deux wagons méritait vingt mauvais points, ce qui a entraîné le congédiement du plaignant, dont le dossier disciplinaire comptait déjà cinquante-cinq points de démérite.

 

            La Compagnie plaide, dans un premier temps, que le grief n’est pas recevable en arbitrage en raison des dispositions de l’entente de dernière chance. Je considère qu’il n’est pas nécessaire de trancher cette question parce que je suis convaincu que, de toute façon, le grief ne peut être accueilli sur le fond. La preuve devant moi démontre que le plaignant à un dossier disciplinaire peu impressionnant et que son emploi dépendait d’une entente de dernière chance lors des évènements du 14 avril 2011. N’ayant pas avisé son superviseur de la collision, tout en sachant que Mme. Lévesque n’allait pas lui en avisé, M. D’Estimauville s’est clairement rendu passible d’une mesure disciplinaire. À la lumière de l’entente de dernière chance qu’il a lui-même signé, il était alors sujet au congédiement. Vu l’importance des ententes de dernière chance, ce bureau ne devrait pas, dans ces circonstances, songer à défaire l’entente et réintégré le plaignant dans ses fonctions.

 

            Pour ces motifs le grief est rejeté.

 

Le 20 février 2012                                                                                                       L’ARBITRE

 

                                                                                                       (signée) MICHEL G. PICHER