BUREAU D’ARBITRAGE ET MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

 

CAUSE NO. 4104

 

entendu à Montréal, le mardi 8 mai 2012

 

opposant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

And

 

LA CONFÉRENCE FERROVIAIRE DE TEAMSTERS CANADA

 

LITIGE :

 

            Suspension de 39 jours de M. Stéphane Labrecque pour ne pas avoir obtempéré aux instructions d’un officier de la Compagnie en refusant de prendre son repas sur la locomotive.

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

 

            En date du 13 février 2012, M. Labrecque travaillait sur l’affectation L 52421-13. Lors de sa prise de service M. Labrecque fût instruit de prendre son repas sur la locomotive sans que lui soit indiqué la raison de ce changement. M. Labrecque a demandé à prendre son repas comme lui accorde la convention collective et comme cela s’est toujours fait sur cette affectation.

 

            La Compagnie l’a avisé qu’il était sujet à discipline s’il maintenait sa position, suite à cette discussion, M. Labrecque a été relevé de ses fonctions.

 

            La position du Syndicat est qu’en aucun temps M. Labrecque a refusé de travailler ou provoqué un délai dans l’opération. Le Syndicat soutient que la Compagnie a agi de façon déraisonnable dans ces directives à M. Labrecque ainsi que dans la mesure disciplinaire imposée. Le Syndicat demande que M. Labrecque soit compensé pour la perte de salaire et bénéfice encourue lors de sa suspension.

 

            La Compagnie n’est pas d’accord.

 

POUR LE SYNDICAT :                                       POUR LA COMPAGNIE :

LE PRÉSIDENT GÉNÉRAL                                     LE PREMIER VICE-PRÉSIDENT

 

(SGN.) R. LECLERC                                           (SGN.) M. LIEPELT

 


Représentaient la Compagnie :

D. Larouche                                   – Directeur, Relations de travail, Montréal

D. Gagné                                        – Premier directeur, Relations de travail, Montréal

G. Dunberry                                   – Surintendant, zone de Québec

J-F Lamoureux                              – Coordonnateur de trains, Joffre

 

Et représentaient le Syndicat :

R. Leclerc                                       – Président général, Grand-Mère

J-M Hallé                                        – Premier vice-président, Québec

 

SENTENCE ARBITRALE

            Le preuve devant l’arbitre établit que M. Labrecque s’est rendu sujet à une mesure disciplinaire en raison de son insubordination. Il n’est pas contesté que le 13 février 2012, lorsqu’il travaillait comme mécanicien de locomotive sur l’affectation L 52421-13, en manœuvres de ligne, il a refusé d’obéir à la directive de son superviseur. Semble-t-il qu’au début de son quart de travail son superviseur lui a dit qu’il devait prendre son repas sur la locomotive plutôt que dans une cabane métallique de la Compagnie à Portneuf où lui et son équipe avaient l’habitude de prendre leur repas. Quand il a catégoriquement refusé, son superviseur l’a suspendu sur le champ, et après une enquête il s’est vu infliger une suspension de 39 jours pour insubordination.

 

            Le Syndicat prétend que la mesure disciplinaire est excessive, compte tenu des faits. Son représentant souligne que M. Labrecque s’est comporté d’une façon respectueuse et qu’il avait bien fait comprendre aux superviseurs depuis quelque temps qu’il n’accepterait pas une telle directive. Son représentant soutient que la Compagnie n’aurait pas de raison valable pour insister que M. Labrecque demeure sur sa locomotive pour son repas et il prétend que l’employeur a dérogé aux dispositions de l’article 28 de la convention collective, qui se lit, en partie :

 

8.1       Les ingénieurs de locomotive en service de manœuvre de ligne (ce qui comprend les parcours de navette dans un rayon supérieur à 30 milles) ou affectés à des trains de travaux, des chasse-neige, des niveleuses sur rail ou des trains collecteurs du service régulier ont la possibilité de prendre un repas à une heure raisonnable en prévenant le régulateur de trains suffisamment à l’avance. Jusqu’à 20 minutes, le temps consacré au repas ne fait pas l’objet de retenue. Au-delà de 20 minutes, il est déduit dans le calcul des heures supplémentaires.

 

NOTA : Le présent paragraphe ne s’applique pas aux ingénieurs de locomotive des autres catégories qui se qualifient pour un tour de service en vertu de l’article 17 et qui sont rémunérés au barème des trains collecteurs.

 

 

28.21   La circulation n’est ni retardée ni interrompue pour l’unique raison d’un arrêt du train pour permettre aux membres du personnel de se restaurer. Ceux-ci se présentent au travail bien disposés à prendre leur tour de service et conscients que la prise de repas ne doit pas gêne l’exploitation des trains.

 

            Doit-on conclure, comme le déclare le représentant syndical, que la Compagnie n’avait aucune raison valable d’insister que le plaignant prenne son repas sur sa locomotive ce jour-là? Je ne le crois pas. Il semble qu’il y avait eu des incidents ou les employés qui allaient à Portneuf pour prendre leur repas dépassaient les 20 minutes permis, ce qui entrainait des calculs d’ajustement de temps supplémentaire. De plus, il semble qu’a certaines occasions le fait de laisser des wagons sur la voie pour un certain temps enclenchait l’opération d’un signal de circulation à un passage à niveau, ce qui dérangeait les résidents du voisinage.

 

            Je suis d’avis que la Compagnie avait le droit d’ordonner que le plaignant ne quitte pas sa locomotive pour manger et qu’il a en fait commis une insubordination par son refus de faire ce qu’on demandait de lui. La vraie question est à savoir si une suspension de 39 jours était justifiée dans toutes les circonstances.

 

            Je ne le crois pas. M. Labrecque est un employé de 23 ans de service. La Compagnie ne s’appuie aucunement sur son dossier disciplinaire antérieur et il est reconnu qu’il n’a jamais auparavant été discipliné pour insubordination. Dans ces circonstances, je considère qu’une suspension de cinq jours aurait suffi amplement pour communiquer à M. Labrecque l’importance de suivre les directives de son superviseur et de se conformer à la règle « work now – grieve later ».

 

            Le grief est donc accueilli, en partie. L’Arbitre ordonne qu’une suspension de cinq jours soit substituée pour la suspension de 39 jours et que le plaignant soit dédommagé pour la différence correspondante de salaire et de ses avantages sociaux perdu.

 

 

14 mai 2012                                                                                                                 L’ARBITRE

 

 

 

                                                                                                  __________________________

                                                                                                                       MICHEL G. PICHER