BUREAU D’ARBITRAGE ET DE MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

 

CAUSE No 4373

 

Entendue à Montréal, le 16 février 2015

 

Opposant

 

LA COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CENTRE DU MAINE

ET DU QUEBEC CANADA INC.

           

Et

 

LE SYNDICAT DES MÉTALLOS, SECTION LOCALE 1976

 

LITIGE

 

            La suspension et le congédiement imposés à Monsieur Kevin Demers par l’employeur en date du 18 décembre 2013 et ce, sans motif valable du point de vue du Syndicat. 

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS

 

            Le 7 novembre 2013, un incident impliquant M. Demers s’est produit dans la cour de triage sur la voie 10. Le 7 novembre 2013, suite à cet incident, l’employeur a suspendu M. Demers sans solde pour une durée indéterminée. Le 6 décembre 2013, M. Demers a été convoqué aux fins de l’enquête sur l’événement du 7 novembre.

            Le 18 décembre 2013, l’employeur fait parvenir une lettre à M. Demers l’avisant de son congédiement en date de ce jour. Le 23 décembre 2013, le Syndicat dépose le grief n62 contestant le congédiement sans cause juste et suffisante.

            L’employeur n’a jamais répondu au grief déposé par le Syndicat en raison de la faillite qui suspendait les délais de toutes les démarches juridiques. Le 25 avril 2014, le Syndicat fait parvenir au nouvel employeur un résumé des griefs encore actifs.

            Le 11 juillet 2014, une rencontre a lieu à Bromont avec le nouvel employeur afin de discuter des griefs en suspens.

            Le 30 juillet 2014, l’employeur fait parvenir au Syndicat une réponse sur l’ensemble des griefs existants et maintient sa décision concernant le grief no 62 de Kevin Demers.

 

POUR LE SYNDICAT :                                 POUR LA COMPAGNIE :

TITRE : Représentant syndical                         TITRE : Vice-président, Ressources humaines

(SGN.) P. Arseneau                                      (SGN.) G. Ryan

 

Représentaient la Compagnie :

R. Boyd                                                – Avocat, McMillan, Montréal

 

Et représentaient le Syndicat :

L. Julien                                                – Representant Syndical, Montréal

N. Lapointe                                           – VP District 5, Valley Field

P. Veilleux                                            – Observateur, Sherbrooke

K. Demers                                            -- Plaignant, Granby

 

SENTENCE ARBITRALE

 

            Dans la présente affaire, il s’agit d’établir si le congédiement imposé à M. Demers (« le plaignant ») par la Compagnie était excessif compte tenu de toutes les circonstances.

 

            Le résumé des faits n’est nullement contesté. Le plaignant a reconnu d’emblée qu’il avait omis de mettre le frein à main sur un wagon qui se trouvait dans la cour de triage à Farnham le 7 novembre 2013. Le wagon a continué de rouler et il y a eu collision, avec dommages matériels mineurs. Le plaignant a enfreint par sa conduite les règles 106 et 112 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, ainsi que les règles prévues aux Règlements de sécurité de la compagnie de chemin de fer Montréal, Maine et Atlantique (MMA) – dont les actifs ont été acquis en partie par Chemins de fer du Centre du Maine et du Québec le 30 juin 2014. 

 

            Il est hors de doute que le plaignant est passible d’une lourde peine disciplinaire.

 

            Après avoir étudié les pièces et arguments présentés par les parties à l’audience tenue le 16 février 2015, je suis consciente du contexte des graves transgressions du plaignant aux règles de sécurité les plus élémentaires, qui ont été signalées par l’avocat à la Compagnie lors de l’audience : l’incident en cause est survenu quelques mois à peine après l’accident ferroviaire de Lac Mégantic.

 

            En ordonnant ce qui suit, j’ai pris en considération les 15 années de service du plaignant, ainsi que son dossier disciplinaire antérieur. Ce dossier me préoccupe. Le 20 juin 2013, le plaignant a reçu une suspension de 30 jours (15 jours et un autre 15 jours en différé) pour ne pas avoir respecté les règles relatives aux signaux (articles 34, 104(b) et 106 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada) lorsqu’il a omis de s’immobiliser à un arrêt obligatoire pour la vérification de l’aiguillage. À peine deux mois plus tôt, soit le 16 avril 2013, il avait reçu un avis disciplinaire pour avoir omis de s’arrêter à l’aiguillage, entraînant le bris de cet aiguillage.

 

            Compte tenu de tout ce qui précède, j’ordonne ce qui suit :

1.            La Compagnie doit réintégrer le plaignant, sans remboursement de salaire ou d’avantages sociaux, et sans perte d’ancienneté, et la période écoulée entre son congédiement et sa réintégration doit être reflétée comme une suspension.

 

2.            Nonobstant ce qui précède, dans le cas où un incident ou des incidents de même nature surviendraient dans les 18 mois suivant la date de réintégration du plaignant, montrant que le plaignant ne se conforme pas aux règles d’exploitation en matière de sécurité, le plaignant sera congédié.

 

 

 

            La présente sentence arbitrale devrait signifier au plaignant qu’il s’agit ici de sa dernière chance de montrer le soin qu’il est tenu de mettre dans l’exécution de ses responsabilités à titre d’ingénieur et de chef de train.

 

Le 5 mars 2015                                                                                  L’ARBITRE

 

 

                                                                                                        ______________

                                                                                                   CHRISTINE SCHMIDT