BUREAU D’ARBITRAGE ET DE MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

CAUSE No. 4402

 

Entendue à Toronto le 14 mai 2015

 

Opposant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

Et

 

LA CONFÉRENCE FERROVIAIRE DE TEAMSTERS CANADA

 

 

LITIGE :

 

            Réclamations pour pertes de salaire en vertu des annexes 66 et 66A de la convention collective 1.1 concernant MM Yves Gagnon et Sylvain Morin.

 

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS :

 

             Suite à leur requalification QSOC en septembre 2013, MM Gagnon et Morin ont soumis des réclamations en vertu de l’annexe 66A pour se faire compenser leurs pertes de salaire. Les réclamations ont été déclinées par la Compagnie.

            Le Syndicat soutient que le cycle de formation est inchangé, que l’annexe 66A est toujours en vigueur et que tel que stipule dans cette annexe et conformément a la pratique établie depuis plusieurs années en ce qui concerne les rencontres organisées par la compagnie ainsi que la formation, les employés ont droit aux montants de base ou leur salaire, le plus élevé prévalant.

            La Compagnie n’est pas d’accord et soutient que l’annexe 66A n’est pas applicable.

 

POUR LE SYNDICAT :                                       POUR LA COMPAGNIE :

Titre Le Président général                                     Titre Le Vice-président

(SGN.) J. M. Halle                                               (SGN.) D. Larouche (pour) J. Orr

Représentaient la Compagnie :

D. Larouche                                              – Directeur Relations de Travail, Montréal

K. Morris                                                    – Directeur Principal Relations de Travail, Edmonton

M. Marshall                                               – Directrice Principal Relations de Travail, Toronto

D. VanCauwenbergh                                – Directeur Relations de Travail, Toronto

J. Torchia                                                  – Directeur Relations de Travail, Montréal

 

Et représentaient le Syndicat :

S. Beauchamp                                          – Avocat, Melançon Marceau, Montréal

A. Stevens                                                 – Counsel, Caley Wray, Toronto

R. Hackl                                                    – Vice President TCRC, Saskatoon

J.M. Halle                                                  – General Chair TCRC-LE-E, Québec City

D. Joannette                                              – General Chair TCRC-CTY-E, Québec

J. Robbins                                                 – General Chair TCRC-CTY-C, Sarnia

J. Lennie                                                    – Vice General Chair TCRC-CTY-C, Port Robinson

R. Caldwell                                                – General Chair TCRC-LE-C, Ottawa

R. Donegan                                               – General Chair TCRC-CTY-W, Saskatoon

R. Thompson                                            – Vice General Chair TCRC-CTY-W, Saskatoon

B. Willows                                                  – General Chair TCRC-LE-W, Edmonton

B. Ermet                                                    – Senior Vice General Chair TCRC-LE-W, Edmonton

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

            La présente sentence s’applique à trois griefs distincts entendus à Toronto le 14 mai 2015. Les parties à chacun de ces griefs sont d’une part, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (la « Compagnie ») et, d’autre part, la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (le « Syndicat »). 

 

            Les griefs se rapportent aux réclamations pour pertes de salaire présentées par des membres du personnel itinérant ayant suivi la formation de « requalification » obligatoire dont le titre anglais est Qualification Standards for Operating Crew Training (ci-après « formation QSOC ») échelonnée sur trois jours consécutifs. La Compagnie à versé à ces membres du personnel le taux journalier applicable pour la formation QSOC et ce, pour chaque jour de formation. Le Syndicat affirme que la Compagnie doit verser soit le taux journalier pour la formation QSOC, soit le salaire perdu, le montant le plus élevé prévalant. La Compagnie n’est pas d’accord et soutient que seuls les taux journaliers prévus pour la formation QSOC sont applicables quand cette formation est donnée sur trois jours consécutifs.

 

            La même question avait été soulevée dans les conventions collectives visant le personnel itinérant qui avaient été conclues entre les parties et qui ont été en vigueur de 2012 à 2014 (p. ex., les conventions collectives 1.1, 1.2, 4.16, 4.2 et 4.3 citant respectivement les annexes 66, 66A, 72, 72C, 92, 121 et 62).

 

            Les trois griefs dont je suis saisie se rapportent à des réclamations présentées en vertu de l’annexe 66A de la convention collective 1.1 visant les ingénieurs de locomotive dans la région de l’Est, en vertu de l’annexe 62 de la convention collective 4.3 visant les chefs de train, les agents de train et les agents de triage dans la région de l’Ouest; et en vertu de l’annexe 72C de la convention collective 1.2 visant les ingénieurs de locomotive dans la région de l’Ouest.

 

Contexte et exposé chronologique :

 

            La Compagnie est tenue de fournir la formation QSOC à son personnel itinérant conformément au Règlement sur les normes de compétences des employés ferroviaires DORS/87-150. En 1992, les parties ont négocié l’annexe 66 à la convention collective 1.1, l’annexe 62 à la convention collective 4.3 et l’annexe 72 à la convention collective 1.2 concernant la formation QSOC. Les annexes précitées prévoyaient entre autres des indemnités journalières pour les employés suivant une formation QSOC. À l’époque où ces annexes avaient été négociées et pendant les années qui ont suivi, la formation QSOC était donnée sur une période de quatre jours consécutifs – tous les trois ans. Les parties aux conventions avaient également convenu que dans le cas où la Compagnie envisagerait de modifier la durée de la formation, elle communiquerait cette modification au Syndicat avant de la mettre en application.

 

            Des négociations collectives à l’échelle nationale ont eu lieu en 2001. Les syndicats représentant le personnel itinérant négociaient alors conjointement sous la bannière du Conseil canadien des syndicats opérationnels du chemin de fer (CCSOCF, ou « CCROU » en anglais). Au cours de ces négociations, le CCSOCF a soulevé l’incidence importante de la mise en œuvre (en 1995) par la Compagnie des parcours allongés sur les pertes de salaire des employés participant à une formation QSOC. La Compagnie a admis qu’il s’agissait d’une question légitime et elle en a tenu compte dans ses propositions.

 

            Dans les mois qui ont précédé les négociations nationales, la Compagnie avait commencé à offrir la formation QSOC selon le format d’une journée par année sur un cycle de trois ans, s’écartant ainsi du modèle établi qui était de quatre jours consécutifs tous les trois ans. Les agents de triage de la région de l’Est, qui sont visés par la convention collective 4.16, se sont opposés à la modification du modèle établi de quatre jours consécutifs en présentant un grief de principe le 8 janvier 2001. Il était demandé dans ce grief que la Compagnie revienne au format antérieur.

 

 

           

 

            Le 24 avril 2001, au cours des négociations nationales, le grief de principe a été résolu comme suit :

April 24, 2001

Mr. Keith Heller

Senior Vice- President – Eastern Canada

CN Rail

PO Box 1000

Concord, Ontario L4K 1B9

 

Attention: Mr. Frank O’Neill

 

  Re: Policy Grievance on CROR Instruction

 

            As you will recall, a policy grievance was initiated on January 8, 2001 with respect to the above-noted matter. Given recent discussions on the matter the Union is prepared to withdraw such grievance with the understanding that the provisions of        annexe 92 of the 4.16 shall be modified to allow for the following:

1.         Supervisor – led training will be delivered on a three-year cycle; structured as       follows:

Year 1 – Transportation supervisor leads a one-day Rules Class.

Year 2 - Transportation Supervisor leads a half-day Rules class for employees.

Year 3 - Employee is scheduled for a one day testing program for CROR, Block and Interlocking Signals; and Q500 Technical Subjects, which will include instruction in QSOC (non-CROR) subjects.

Note: an emergency First Aid (EFA) certification course will be provided either in the Year 2 cycle or as otherwise designated.

2.         Employee attending QSOC training, as modified, shall be entitled to the QSOC     rate as provided for in Annexe 92 or loss of wages, whichever is greater.

3.         It is understood that the options for rest or receiving a call under Annexe 92 shall remain unchanged for each session as provided in item 1 above.

            If you are in agreement with the above, please affix your signature in the place provided below.

 

 

 

            La lettre était signée par les présidents généraux des Travailleurs unis des transports, ainsi que par la Compagnie.

 

            Par le biais de l’annexe AH-QSOC du Protocole d’accord daté du 13 mai 2001 pour cette ronde de négociations – les parties ont convenu d’adopter la lettre datée du 24 avril 2001 comme faisant partie intégrante des conventions collectives 1.1, 1.2, 4.16, 4.2 et 4.3. L’annexe AH-QSOC, qui a été envoyée à tous les présidents généraux réunis sous la bannière du CCSOCF, est rédigée en ces termes :

Gentlemen:

 

During this round of negotiations the issue of payment for attending QSOC was discussed. The parties agreed to adopt for Agreements 1.1, 1.2, 4.2, 4.3 and 4.16 the letter dated April 24, 2001 regarding QSOC in Eastern Canada (letter attached at end).

 

 

 

            En 2005, les parties ont travaillé au remaniement de certaines conventions collectives : l’annexe 66A a alors été ajoutée à la convention 1.1, l’annexe 62 a été modifiée par rapport à sa forme originale comme il est décrit plus bas, l’annexe 72C a été ajoutée à la convention 1.2 et l’annexe 121 a été ajoutée à la convention 4.16. Les parties n’ont cependant pas participé au remaniement de la convention collective 4.2 en 2005, la Compagnie ayant remanié celle-ci elle-même en 2007. 

 

            Les annexes 66A et 72C reflètent le couper-coller de la lettre datée du 24 avril 2001 qui est reproduite ci-dessus. Ces nouvelles annexes sont datées du 13 mai 2001, date du compte rendu du règlement incorporant la lettre dans les conventions collectives. L’annexe 121 reproduisait essentiellement l’annexe AH-QSOC. L’annexe 62 incorporait les modifications convenues lors de la ronde de négociations de 2001 concernant le paiement pour participation à la formation QSOC et ce, directement dans la version initiale de l’annexe 62. Cette annexe 62 d’origine a été modifiée pour inclure une « *Note » après le tableau des tarifs journaliers prévus pour la formation QSOC pour 2004 à 2006. Cette note est rédigée en ces termes : *Note : Les membres du personnel suivant la formation QSOC auront droit au versement des sommes précitées dans cette annexe ou à leur salaire, le montant le plus élevé prévalant. » L’astérisque avant la Note dans le corps du document renvoie le lecteur à la toute fin de l’annexe 62, après les lignes de signature. Il se lit comme suit : « *Telle que modifiée par le protocole d’accord du 13 mai 2001. »

 

            Depuis 2001, la formation QSOC est offerte dans la grande majorité des cas selon un cycle de trois ans, le personnel itinérant suivant une séance de formation à chaque année. Les preuves qui m’ont été présentées révèlent qu’après 2001, et jusqu’au dépôt des griefs dont j’ai été saisie, quand la Compagnie exigeait que les employés suivent une formation QSOC sur une période de trois jours consécutifs, elle leur versait le taux journalier pour la formation QSOC ou le salaire perdu par l’employé, selon le plus élevé des deux montants (conformément à l’annexe 66A de la convention collective 1.1, à l’annexe 62 de la convention collective 4.3 et à l’annexe 72C de la convention collective 1.2).

 

            Le représentant de la Compagnie qui assistait à l’audience a confirmé que jusqu’à ce que la Compagnie soit revenue de façon complète et définitive au format de formation de trois jours consécutifs en juin 2013, elle avait comme pratique de payer les pertes de salaire du personnel itinérant ou le taux journalier pour la formation QSOC, le montant le plus élevé prévalant, quel que soit le nombre de jours que durait la formation QSOC.

 

             Le Syndicat a présenté les preuves suivantes dans les griefs dont j’ai été saisie, preuves qui sont compatibles avec les observations présentées par la Compagnie à l’audience.

 

            En octobre 2002, la Compagne a écrit, sous la forme d’un avis général à l’intention des agents de train et agents de locomotive visés par les conventions 1.1 et 4.3, concernant le protocole d’accord signé le 13 mai 2001 : « Les réclamations doivent être fondées uniquement sur le salaire perdu ou le tarif journalier pour formation QSOC tel qu’il est énoncé à l’annexe 62 [dans la version originale de l’annexe, soit avant le remaniement de 2005] de la convention 4.3, ou à l’annexe 72 de la convention 1.2, le montant le plus élevé prévalant, ET NON une combinaison des deux. » Les exemples fournis dans l’avis général confirment que lorsqu’un membre du personnel participe à une formation sur une période de deux ou trois jours consécutifs, il est tenu de présenter une demande pour se faire rembourser le salaire perdu ou le tarif journalier pour la formation QSOC, le montant le plus élevé prévalant.

 

            Le représentant des ingénieurs de locomotive visés par la convention 1.1 a présenté des preuves concernant la participation de certains employés à la formation QSOC selon le format de trois jours consécutifs dès 2007 (le système informatique empêchant le Syndicat d’accéder aux renseignements antérieurs à 2007). La Compagnie a versé à ces employés le montant le plus élevé entre le salaire perdu et le taux journalier pour formation QSOC. L’écart entre ces deux options est assez important. La Compagnie a réagi à ces preuves en disant que ces exemples étaient des exceptions – exceptions qui auraient pu être justifiées par les circonstances, à propos desquelles la Compagnie n’avait aucun détail au moment de l’audience.

 

            Au bout du compte, la Compagnie ne conteste pas le fait que pendant près de deux ans avant qu’elle n’annonce officiellement à l’été 2013 qu’elle revenait au format de trois jours consécutifs, elle versait aux employés le salaire perdu ou le taux journalier pour formation QSOC prévu à l’annexe 66A de la convention 1.1, à l’annexe 62 de la convention 4.3 et à l’annexe 72C de la convention 1.2, le montant le plus élevé prévalant.

 

            En revanche, à la fin juin et au début de juillet 2013, la Compagnie a envoyé des lettres aux présidents généraux des parties les avisant qu’elle avait cessé la prestation de la formation QSOC d’une seule journée par année sur un cycle de trois ans et qu’elle était revenue à une formation de trois jours consécutifs qui serait donnée tous les trois ans. Il n’y avait, dans ces avis, aucune mention spécifique d’un changement concernant l’indemnisation pour la participation à la formation QSOC. Dans la mesure où il y aurait eu des discussions entre les présidents généraux et la Compagnie avant l’envoi des avis, la Compagnie n’a jamais mentionné au Syndicat quelque modification que ce soit aux indemnités pour la formation QSOC – n’ayant seulement précisé qu’elle revenait à la formule de trois jours consécutifs. Les lettres adressées aux présidents généraux faisaient mention de l’annexe 66, et non de l’annexe 66A, de la convention 1.1, de la version initiale de l’annexe 62 (qui avait été modifiée en 2005 tel qu’il a été énoncé plus haut) de la convention 4.3, et de l’annexe 72, et non de l’annexe 72C, de la convention 1.2.

 

Décision :

 

            Il importe d’établir si les parties avaient l’intention, quand elles ont conclu le protocole d’accord du 13 mai 2001, de lier le versement pour formation QSOC selon le salaire perdu ou selon le taux journalier prévu pour la formation QSOC, le montant le plus élevé prévalant, à la modification du format de prestation de la formation QSOC que la Compagnie avait commencé à mettre en œuvre. La Compagnie prétend qu’ils étaient liés, mais le Syndicat n’est pas d’accord.

 

            L’intention des parties, si l’on tient compte du fait que le protocole d’accord a été incorporé à un processus de négociation national, est la même pour toutes les conventions collectives, indépendamment de la façon dont les parties ont intégré en bout de ligne la lettre datée du 24 avril 2001 dans leur convention respective. J’ai pour tâche de vérifier quelle était l’intention commune des parties.

 

            Dans ces litiges, la position de la Compagnie est la suivante : le paiement pour la formation QSOC une fois que celle était définitivement revenue à la formule de trois jours consécutifs tous les trois ans est régi par le taux journalier pour formation QSOC conformément à l’annexe 66, et non à l’annexe 66A de la convention 1.1, le taux journalier pour formation QSOC conformément à l’annexe 72, et non à l’annexe 72C de la convention 1.2, et à l’annexe 62 de la convention 4.3. La Compagnie fait valoir qu’elle a refusé à juste titre les réclamations des plaignants pour perte de salaire quand ceux-ci ont participé à une formation QSOC de trois jours consécutifs en conformité avec leurs conventions respectives.

 

            La preuve extrinsèque des intentions des parties, y compris les pratiques antérieures et l’historique des négociations, est admissible en tant qu’outil d’interprétation du libellé de la convention collective si la formulation des conventions révèle une ambiguïté manifeste ou une équivoque. Le libellé des conventions prête à équivoque lorsque certains faits relatifs à la négociation de celles-ci témoignent d’un manque de clarté. Dans ces conditions, la preuve extrinsèque peut servir à lever l’ambiguïté et à expliquer celle-ci.

 

            À mon avis, après avoir examiné attentivement les arguments des parties concernant les circonstances de l’incorporation de la lettre du 24 avril 2001 aux conventions collectives 1.1, 1.2, 4.2, 4.3 et 4.16 comme il est reflété à l’annexe AH – QSOC du protocole d’accord de 2001, ce qui est « clair », c’est que le libellé de la convention collective est ambigu.

 

            La mention « as modified » (telle que modifiée) au second paragraphe de la lettre du 24 avril 2001 qui dit ceci : « Employees attending QSOC training, as modified, shall be entitled to the QSOC rate as provided for in Annexe 92 or lost wages, whichever is greater » signifie, dans l’exposé de la Compagnie, que les options de paiement ne s’appliquent qu’à la formation QSOC dans sa forme modifiée c’est-à-dire lorsque la formation QSOC est offerte selon la formule d’une journée par année (sur un cycle de trois ans). Une interprétation plus générale de la mention « as modified », telle qu’imputée par le Syndicat, serait également plausible, ce qui communique une intention commune selon laquelle les options de paiement ne s’appliquaient qu’à la formation QSOC à partir de ce moment-là et ce, quel que soit le format de la formation.

 

            Outre son argument concernant la mention « as modified », la Compagnie fait valoir qu’un examen du grief de principe en soi révèle clairement une intention commune de lier le mode d’indemnisation pour la formation QSOC au format de prestation de cette formation. La Compagnie soutient que l’intention du grief était d’atténuer l’impact de la modification du format de cours sur les taux de paye. Elle affirme qu’avec la mise en œuvre du nouveau format, les employés manqueraient davantage de tours de service que lorsque la formation QSOC était donnée sur trois jours consécutifs tous les trois ans – d’où le désir de compenser les employés aux taux journaliers pour formation QSOC ou selon le salaire perdu, le montant le plus élevé prévalant.

 

            Après avoir examiné soigneusement le grief en soi, qui ne peut être compris que dans le plus grand contexte des négociations nationales alors en cours, je ne suis pas tout à fait convaincue.

 

            Le grief de principe en litige contestait la décision de la Compagnie de modifier le format de la formation QSOC sans avoir demandé au préalable l’avis ou le consentement du Syndicat. À titre de réparation, le Syndicat a demandé que la Compagnie revienne à la formule des quatre jours consécutifs. À l’appui de sa position (je m’abstiens de tout commentaire sur les mérites de celle-ci), le Syndicat a fait mention de la disposition 7 de l’annexe 92 : il soutient que la Compagnie ne pouvait cesser la formation de quatre jours et appliquer simplement les taux négociés en vertu de l’annexe comme base de calcul des indemnités.

 

            Contrairement à l’exposé de la Compagnie, le grief de principe ne révèle pas ce que la Compagnie dit être la justification conjointement convenue du changement, et par conséquent l’intention conjointe des parties de lier les options de paiement au changement de format. En outre, bien que la Compagnie affirme que les employés manquent plus de tours de service avec la formule de formation QSOC d’un jour par année,  aucune preuve ne vient appuyer cette affirmation.

 

            De façon plus générale, l’annexe AH-QSOC et d’autres documents provisoires, y compris une proposition faite par la Compagnie pendant les négociations nationales, montrent que les parties cherchaient à atténuer l’impact négatif important de la mise en œuvre des parcours allongés sur les heures de travail perdues par les employés en raison de leur participation à la formation QSOC. Les parties avaient cette question en tête quand elles ont signé le protocole d’accord.

 

            Le processus de remaniement de 2005 visant les conventions collectives 1.1, 1.2 et 4.16 n’aide pas plus à confirmer « l’intention commune » des parties que la lettre datée du 24 avril 2001. Ces conventions incorporaient le corps de la lettre datée du 24 avril 2001 (conventions 1.1 et 1.2) ou incorporaient l’annexe AH en soi (en tant qu’annexe 121 de la convention collective 4.16)

 

            Cependant, le remaniement fait en 2005 de la convention collective 4.3 nous permet de vérifier l’intention commune des parties, à savoir si celles-ci comprenaient ou non que la méthode de paiement était bel et bien liée à une modification du format de la formation QSOC. En 2005, les parties ont convenu d’un libellé modifiant l’annexe 62 dans sa forme originale, tel qu’il est énoncé plus haut. À mon avis, les modifications à l’annexe 62 proposées par les parties pendant le remaniement de 2005, y compris la clarification marquée d’un astérisque, appuient la position du Syndicat.

 

            La Compagnie soutient qu’en plaçant l’astérisque avant la note, les parties ont voulu incorporer l’interprétation de la Compagnie du libellé « as modified ». La Compagnie soutient que, par le recours à l’astérisque, la condition supplémentaire selon laquelle seuls les employés participant à la formation QSOC d’un jour par année avaient droit à l’option du taux journalier pour formation QSOC ou du salaire perdu, était incorporée à l’annexe.

 

            L’argument de la Compagnie n’est pas convaincant. À mon avis, les parties n’auraient pas incorporé à l’application de la note un caveat, qui aurait eu pour effet d’ajouter une nouvelle condition au sens de la note de la façon reflétée dans la version modifiée de l’annexe 62. Qui plus est, comme le soulignait le Syndicat, d’autres modifications apportées aux annexes qui avaient été négociées par les parties montrent que les renvois tels que l’astérisque (*) suivant la ligne de signature reflètent la source des modifications apportées au document. En dernier lieu, le remaniement de la convention 4.2 initié par la Compagnie en 2007 est indicatif de ce qui peut uniquement être interprété comme étant sa perception, au moins à partir de 2007, que la modification apportée en 2001 prévoyait l’indemnisation du salaire perdu par les agents de coordination de la circulation ferroviaire quand ils participent à une formation QSOC.

 

            Les pratiques antérieures des parties en ce qui concerne les versements faits au personnel itinérant à partir de 2001 s’avèrent également utiles pour établir l’intention des parties en 2001 quand elles ont incorporé la lettre du 24 avril 2001 au protocole d’accord du 13 mai 2001.

 

            En premier lieu, malgré la modification en 2001 du format de prestation de la formation à des séances d’un jour par année sur un cycle de trois ans, la Compagnie a continué d’offrir la formation sur trois jours consécutifs. En faisant référence à l’annexe 72 de la convention 1.2 et à l’annexe 62 de l’annexe 4.3 en octobre 2002, la Compagnie a clairement signifié à ses employés qu’elle estimait que les réclamations faites pour la formation QSOC pour deux et trois jours consécutifs donneraient droit au salaire perdu ou aux taux journaliers pour formation QSOC, selon le montant le plus élevé, et non aux deux.

 

            En deuxième lieu, comme l’a fait remarquer l’avocat qui a présenté les observations du Syndicat concernant la convention 1.1, d’après les éléments de preuve qui m’ont été présentés, quand la Compagnie offrait la formation QSOC sur trois jours consécutifs et ce depuis 2007, elle a toujours payé les employés le montant le plus élevé du salaire perdu ou du taux journalier, conformément à l’interprétation que fait le Syndicat de la lettre du 24 avril 2001 qui a été incorporée au protocole d’accord du 13 mai 2001.

 

            En troisième lieu, la Compagnie a continué de verser à son personnel itinérant le montant le plus élevé du salaire perdu ou du taux journalier pour formation QSOC depuis qu’elle a commencé à appliquer sa décision de revenir au format de trois jours consécutifs en 2011. La raison qu’a invoquée la Compagnie pour avoir continué à verser à ses employés le montant le plus élevé du salaire perdu ou du taux journalier était qu’elle voulait éviter d’avoir recours à deux modes de paiement pendant le retour à la formule des trois jours consécutifs. Je n’accepte pas cette explication. Vu l’écart important entre les deux méthodes de paiement, il me semble peu probable que la Compagnie ait choisi d’assumer des coûts plus élevés pour la formation QSOC que ce qu’elle serait autrement tenue de verser en vertu des conventions collectives en vigueur. Compte tenu de tout ce qui précède, je crois que la conduite de la Compagnie nous donne une bonne idée de ce qu’elle estimait être son obligation à l’égard du personnel itinérant participant à une formation QSOC, à savoir qu’elle était tenue de payer le salaire perdu ou le taux journalier, quel que soit le format de la formation.

 

            Pour tous ces motifs, je suis d’avis que l’argument présenté par la Compagnie ne reflète pas l’intention des parties en 2001, quand le protocole d’accord du 13 mai 2001 a été signé. L’historique des négociations, et plus particulièrement les négociations nationales de 2001, le remaniement de 2005 dans le cas de la convention 4.3 (et le remaniement de la convention 4.2 par la Compagnie en 2007), ainsi que la pratique de longue date de la Compagnie qui consistait à payer aux membres du personnel le plus élevé du salaire perdu ou du taux journalier quand elle offrait une formation QSOC sur une période de trois jours consécutifs et ce, depuis 2001, me portent à conclure que l’intention des parties, telle qu’elle est reflétée dans le protocole d’accord du 13 mai 2001, était et a toujours été, jusqu’à tout récemment, de verser au personnel itinérant le salaire perdu ou le taux journalier pour formation QSOC le montant le plus élevé prévalant.          

 

            Par conséquent, la position du Syndicat l’emporte dans ces litiges. Je décIare que la Compagnie a violé les conventions 1.1, 1.2 et 4.3 en omettant de verser aux plaignants le taux journalier pour la formation QSOC ou le salaire perdu, le montant le plus élevé prévalant, quand elle a versé aux plaignants les taux journaliers pour la formation QSOC pour une formation de trois jours consécutifs. J’ordonne à la Compagnie de se conformer aux conventions collectives quant à la méthode de paiement pour la formation QSOC, comme il a été énoncé dans la présente décision, et de fournir au Syndicat des renseignements précis sur les pertes de salaire relativement à ces questions. Toute autre question de redressement découlant de la présente décision est renvoyée aux parties et je conserve juridiction dans le cas où les parties seraient incapables d’en arriver à un règlement.

 

 

 

                                                           

 

June 16, 2015                                                                      ________
CHRISTINE SCHMIDT

ARBITRE