BUREAU D’ARBITRAGE ET DE MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

CAUSE NO 4428

 

Entendue à Montréal, le 10 décembre 2015

 

Et opposant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

Et

 

LE SYNDICAT DES MÉTALLOS – SECTION LOCALE 2004

 

LITIGE

            Imposition au dossier disciplinaire de M. Steven Vincent de 10 mauvais points « pour ne pas s’être conformé aux procédures d’inspection obligatoires de la machine CN65666 et ne pas s’être conformé aux instructions relatives à la cédule d’entretien de la machine CN65666 » et de 20 mauvais points « pour ne pas s’être conformé aux instructions relatives aux essais de frein et pour ne pas avoir consigné les renseignements exigés en violation du paragraphe 11.4 de la règle 11 des Instructions générales de l’ingénierie alors qu’il était affecté à la conduite de la machine CN65666 le 8 septembre 2014 ». Les 30 mauvais points portés au dossier disciplinaire de M. Vincent ont occasionné son congédiement le 30 septembre 2014 pour une accumulation de 80 mauvais points.

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS

            Le 19 septembre 2014, M. Vincent a été rencontré dans le cadre d’une première enquête officielle pour obtenir sa version des faits relativement à une présumée violation des règles régissant les essais de frein alors qu’il était l’opérateur de la machine CN65666 le 8 septembre 2014 et dans le cadre d’une deuxième enquête pour un présumé non-respect des procédures inhérentes à l’opération de la machine CN65666 le 8 septembre et pour ne pas avoir fait les inspections obligatoires relatives à ladite machine. Suite à ces enquêtes, M. Vincent se voyait imposer 20 et 10 mauvais points respectivement. L’ajout de ces mauvais points au dossier disciplinaire de M. Vincent portait son total de mauvais points à 80, provoquant par le fait même son congédiement pour une accumulation de mauvais points.

            Le Syndicat prétend que les mauvais points portés au dossier disciplinaire de M. Vincent et qui ont occasionné son congédiement constituent une sanction abusive et excessive, que celui-ci est victime de discrimination pour avoir été traité différemment d’autres employés dans des cas similaires. Le Syndicat réclame la réintégration de M. Vincent dans son poste permanent, considère qu’une mesure plus équitable comparativement à d’autres employés impliqués dans des cas similaires devrait être envisagée et demande que celui-ci soit réintégré avec remboursement de toute perte de salaire, avantages et bénéfices.

            La Compagnie est en désaccord et rejette le grief.

 

POUR LE SYNDICAT :                                 POUR LA COMPAGNIE :

Délégué en Chef

(SGN.) M. Lacroix                                         (SGN.) D. Laurendeau

 

Représentaient la Compagnie :

D. Laurendeau                          – Directeur Relations de travail, Montréal

S. Grou                                     – Directrice Principale Relations de travail, Montréal

M. Lamarre                               – Directeur Materiel de travaux, Toronto

F. Daignault                              – Directeur Relations de travail, Montréal

 

Et représentaient le Syndicat :

L. Julien                                    – Conseiller Syndical, Montréal

M. Lacroix                                – Délégué en Chef, Repentigny

J. F. Migneault                          – Vice-President, Montréal

S. Vincent                                 – Plaignant, Montréal

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

            Le présent grief se rapporte au congédiement de M. Steven Vincent (« le plaignant ») par la Compagnie le 30 septembre 2014. Au moment de son congédiement, le plaignant occupait un poste permanent de conducteur de machine et il avait 50 mauvais points à son dossier disciplinaire. Le plaignant avait un peu plus de sept (7) années d’ancienneté au moment des faits faisant l’objet du grief.

 

            Il est à noter que le plaignant avait déjà été congédié en octobre 2013 pour une accumulation de mauvais points. Dans le cas de son premier congédiement, les parties ont convenu de réintégrer le plaignant et de remplacer son congédiement par une suspension sans salaire.

 

            Les faits pertinents dans le présent litige sont exposés brièvement ci-dessous.

 

            Le 8 septembre 2014, le plaignant était affecté à la machine Mark IV CB 65666 à Ste-Rosalie. Son superviseur (« M. Lamarre ») avait été avisé du fait qu’il y avait un bris sur la machine qui empêchait le plaignant d’effectuer son travail d’alignement de la voie. M. Lamarre était donc sur les lieux quand il a appris que lorsque le plaignant a fait marche arrière, le plateau des projecteurs avait déraillé, entraînant des dommages.

 

            M. Lamarre a vite réalisé que le plaignant n’avait pas suivi les méthodes de travail que prévoit la procédure d’opération de cette machine lors d’une manœuvre à reculons. Par ailleurs, il était clair que les inspections requises aux 50 heures n’avaient pas été effectuées, que l’inspection quotidienne était défaillante et que les essais de frein n’avaient pas été consignés. Pour ce qui est du dernier constat, le plaignant a affirmé qu’il avait fait son test de freinage, mais qu’il avait omis de l’inscrire dans son carnet comme il était tenu de le faire.

 

            Le Syndicat soutient essentiellement que la formation du plaignant relativement à l’opération de la machine en question avait été inadéquate. Il avance que le plaignant n’avait pas les compétences voulues pour manœuvrer la machine contrairement à ce qui est indiqué dans les documents remplis par la Compagnie.

 

            Pour appuyer sa position, le Syndicat me renvoie à une évaluation qui avait été remplie le 6 juin 2014. Sont clairement identifiées dans cette évaluation les lacunes dans les compétences du plaignant en ce qui concerne l’opération de ladite machine. Les remarques consignées sur cette évaluation reflètent le point de vue de l’évaluateur, à savoir que le plaignant n’avait pas suffisamment d’expérience de l’aiguillage et des courbes à cette date. Le Syndicat me renvoie également à l’évaluation de la Compagnie datée du 23 juillet 2014, qui considérait que le plaignant avait les compétences nécessaires pour manœuvrer la machine. La personne qui avait rempli l’évaluation (celle sur laquelle le plaignant atteste qu’il comprend ses responsabilités à titre de conducteur), en l’occurrence M. Sylvain Forest, a omis d’encercler l’un de deux choix (« a » ou « n’a pas ») pour indiquer si le plaignant répondait ou non aux exigences relatives à l’opération sécuritaire de la machine.

 

            J’ai soigneusement étudié les documents auxquels me renvoie le Syndicat et j’ai bien lu les déclarations faites par le plaignant au cours des enquêtes.

 

            Dans le présent litige, il ne m’est pas nécessaire de déterminer si le plaignant a effectué l’essai des freins. Toutefois, compte tenu de la preuve dont je dispose, j’ai tendance à être d’accord avec la Compagnie, qui estime qu’il est plus probable que la vérification des freins n’a pas été effectuée comme elle devait l’être.

 

            L’évaluation datée du 6 juin 2014 appuie certainement la position du Syndicat selon laquelle le plaignant avait besoin d’une formation plus poussée concernant certains aspects de l’opération de la machine en question. Cependant, ce même document fait ressortir que les lacunes pour lesquelles la Compagnie a imposé des sanctions disciplinaires dans le présent litige étaient clairement connues du plaignant et l’étaient, ou auraient dû l’être, depuis longtemps. Le plaignant savait très bien qu’il était tenu de consigner les renseignements exigés dans les Instructions générales de l’Ingénierie. Il a pourtant omis de le faire.

 

            Le plaignant connaissait aussi très bien la feuille des tâches et points de contrôle pour les inspections quotidiennes, les inspections devant être effectuées aux 50 heures et aux 200 heures, et les inspections saisonnières. J’aurais tendance à abonder dans le sens de la Compagnie quand elle affirme que les réponses fournies par le plaignant aux questions posées au cours de l’enquête témoignent de son désengagement à l’égard de ses responsabilités à titre de conducteur de machine. Je prends note du fait que le plaignant était prêt à admettre qu’il avait omis d’effectuer l’inspection obligatoire aux 50 heures.

 

            Dans le présent litige, il me faudrait réduire les sanctions imposées par la Compagnie à moins de 10 mauvais points pour réintégrer le plaignant en vertu du système disciplinaire Brown. Il n’est pas contesté par le Syndicat qu’une mesure disciplinaire est justifiée.

 

            Le plaignant est un employé ayant relativement peu d’années de service, qui  a déjà été réintégré en vertu d’une entente entre les parties concernant une accumulation de mauvais points. Par ailleurs, d’après l’historique disciplinaire du plaignant, des mauvais points avaient déjà été portés à son dossier pour des infractions semblables sinon identiques au fil des ans. Compte tenu de toutes ces circonstances, il ne m’appartient pas d’envisager une réduction des mesures disciplinaires qui s’imposent pour réintégrer le plaignant dans son poste.

 

            Pour tous ces motifs, le grief est rejeté.

 

 

Le 21 décembre, 2015                                                                      L’ARBITRE

 

                                                                                                       __________________________

                                                                                                   CHRISTINE SCHMIDT