BUREAU D’ARBITRAGE ET MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

 

CAUSE NO. 4437

 

Entendu à Toronto, le 13 janvier, 2016

 

Opposant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

Et

 

LE SYNDICAT DES METALLOS – LOCAL 2004

 

LITIGE :

            Imposition au dossier disciplinaire de M. Alain Quirion de 40 mauvais points pour : « Pour ne pas avoir respecté les instructions et règles suivantes: Politique de verrouillage et d'étiquetage du CN en ne verrouillant pas la machine et n'apposant pas l'étiquetage de protection — look out/tag out; IGI 10.24 - ne pas avoir maintenu 3 points de contact pour monter à bord d'un véhicule d'entretien ou en descendre; 101 3.1 - ne pas avoir porté l'équipement de protection individuelle (ÉPI) requis; Règlement de sécurité, Section 8 IGI 3.1.D - ne pas avoir rempli et tenu à jour le relevé de la machine et en ne maintenant pas à jour votre manuel d'exploitation tel que requis par le Règlement d'exploitation ferroviaire, Règle générale A (ii), alors que vous étiez le conducteur d'une régulatrice lors de votre quart de travail du 25 février 2015. »

            L'addition des 40 mauvais points portés au dossier disciplinaire de M. Quirion a occasionné son congédiement le 20 mars 2015 pour une accumulation de 85 mauvais points. (Annexe 1 Fiche 780)

 

EXPOSÉ CONJOINT DU CAS :

 

            M. Quirion était invité à donner sa version des faits dans le cadre d'une enquête officielle tenue le 2 mars 2015 à la suite de la constatation de certaines irrégularités de sa part alors qu'il était affecté comme conducteur de machine lors de son quart de travail à Chibougamau le 25 février 2015.      Le Syndicat prétend que l'imposition de 40 mauvais points menant à son congédiement pour une accumulation de mauvais points constitue une mesure disciplinaire abusive et excessive. Le Syndicat réclame la réintégration de M. Quirion à son poste permanent, une diminution des mauvais points et qu'il soit réintégré avec le remboursement pour toute perte de salaire, avantages et bénéfices.

            La Compagnie est en désaccord et rejette le grief.

 

POUR LE SYNDICAT :                                       POUR LA COMPAGNIE :

Déléguée Chef                                                     Directeur Relations de Travail

(SGN.) M. Lacroix                                               (SGN.) D. Laurendeau

 

 

Représentaient la Compagnie :

F. Daignault                                    – Directeur Relations de Travail, Montréal

D. Laurendeau                               – Directeur Relations de Travail, Montréal

R. Gauthier                                     – Instructeur Technique Ingénierie, Montréal

N. Taillon                                        – Directeur Principal Ingénierie, Québec

 

Et représentaient le Syndicat :

M. Lacroix                                      – Déléguée Chef, Repentigny

J. F. Migneault                               – Vice-Président, Locale 2004, Montréal

    A. Quirion                                        – Plaignant, St. André

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

            M. Quirion est entré au service de la Compagnie le 10 mai 1988. Au moment de son congédiement, le 20 mars 2015, il avait accumulé vingt-sept (27) années de service. Toutefois, en tenant compte des périodes de mises à pied, il comptait dix-neuf (19) années et deux (2) mois de service actif.

 

            Le plaignant est conducteur de machine depuis le 20 mars 2008 et a suivi plusieurs formations théoriques et pratiques sur les règles de sécurité applicables à cette fonction notamment au cours des mois précédant ces derniers incidents. Au cours de sa carrière, le plaignant a été maintes fois discipliné notamment pour avoir mis sa sécurité et celle de ses collègues de travail en danger. Au 25 février 2015, le plaignant avait accumulé 45 mauvais points à l’égard de reproches soulevant des manquements associés à des règles de sécurité.

 

            Le 25 février 2015, dans le cadre d’une évaluation de qualification comme conducteur d’une régulatrice (balai mécanique), l’instructeur technique, M. Richard Gauthier, constate que le plaignant enfreint quatre (4) règles élémentaires de sécurité (omission de remplir le manuel d’inspection et le manuel d’exploitation; omission de verrouiller et d’étiqueter la machine lors d’une réparation; omission de respecter le maintien de trois points de contact lors de la descente et de l’embarquement; omission de porter son casque de sécurité). Comme suite à ces derniers manquements, l’Employeur impose quarante (40) mauvais points au dossier disciplinaire du plaignant, ce qui entraine une accumulation de mauvais points supérieure à la norme qui peut conduire au congédiement (85 mauvais points).

 

            Quant au premier reproche, la preuve est contradictoire. L’instructeur affirme que le plaignant a effectué seul deux réparations, l’une mineure et l’autre majeure, sans respecter la politique de verrouillage et d’étiquetage. Le plaignant affirme que la première réparation mineure a été faite avec le concours d’un collègue de travail et celui de l’instructeur, sans verrouillage ou étiquetage. J’estime que la preuve démontre d’une manière prépondérante qu’un collègue est intervenu à la demande du plaignant pour discuter de la nécessité de faire la première réparation, et que le plaignant la jugeait inutile. Sur cet aspect, la version du plaignant m’apparait donc plus probante que celle de l’instructeur.

 

            Toutefois, lors de la deuxième réparation et de toute évidence plus importante, le plaignant l’a exécutée seul, et a omis d’appliquer la politique de verrouillage et d’étiquetage et lorsqu’il l’a faite à la demande de l’instructeur, il l’a mal exécutée. Il est important de retenir aussi que le plaignant était le conducteur attitré audit véhicule et était à ce titre responsable dudit équipement. Enfin, au cours de l’enquête, le plaignant soutient qu’il était nerveux et qu’il a donc omis de respecter ladite règle.

 

            Je retiens aussi de l’ensemble de la preuve que le plaignant a dans les faits omis de respecter des règles de sécurité élémentaires et applicables à la conduite de tous véhicules et dont certaines règles ont fait l’objet de rappel auprès des employés, au cours des mois précédant ces derniers incidents, et ce, à la suite de deux accidents de travail graves qui auraient pu être évités si lesdits employés avaient respecté la politique de verrouillage et d’étiquetage.

 

            J’estime aussi que le plaignant a fourni des explications peu crédibles ou convaincantes pour justifier ses actions ou omissions à des règles qui devraient être après sept (7) années comme conducteur de machines bien intégrées dans ses méthodes de travail. Il en découle une forme de négligence voire d’insouciance à l’égard des règles de sécurité.

 

            Comme facteur atténuant, le Syndicat soumet que le plaignant n’aime pas conduire ce genre de machine, ne se sentant pas à l’aise, et qu’il était le 25 février 2015, nerveux, étant en évaluation. Tout en pouvant apprécier qu’une évaluation puisse entrainer du stress surtout sur une machine avec laquelle l’on n’est pas à l’aise, il n’en demeure pas moins que le plaignant est conducteur de machine et qu’il doit respecter les règles élémentaires en matière de sécurité applicables à l’opération de toute machine relevant de sa fonction. Son inconfort avec la régulatrice n’explique pas tous ses manquements, qui rappelons le, devraient être bien intégrés dans sa méthode de travail et encore plus au cours d’une évaluation. Il est important aussi de souligner que cette évaluation faisait suite à une évaluation effectuée quelques mois avant et au cours de laquelle l’employé avait été avisé de manquements à des règles de sécurité.

 

            De surcroit, la preuve démontre que le plaignant a été maintes fois discipliné pour des manquements associés à des règles de sécurité et qu’il a donc eu la chance de s’amender.

 

            Une lecture attentive de la jurisprudence déposée par les parties démontre qu’il est peu fréquent que de tels reproches conduisent au congédiement d’un employé. L’imposition de mauvais points ou d’une suspension même de longue durée est généralement retenue par les arbitres. Toutefois, en l’espèce, il a été démontré que le plaignant a été averti et discipliné pour des manquements de même nature sans faire preuve d’amélioration significative. L’Employeur a donc conclu que le plaignant présentait un danger pour lui‑même et ses collègues et devait dans son cas procéder à son congédiement. Je ne vois aucune raison m’autorisant à modifier la décision de l’Employeur d’autant plus que le plaignant a eu l’opportunité de s’amender et que, selon la jurisprudence, chaque manquement invoqué (hormis le port du casque de sécurité) au soutien de la fin d’emploi représente en soi quinze (15) à vingt (20) mauvais points.

 

            Pour tous ces motifs, le grief du Syndicat doit être rejeté.

 

Le 20 janvier, 2016                                                                                                     L’ARBITRE

                                                                                                                                  _______ ____

                                                                                                                         MAUREEN FLYNN