BUREAU D’ARBITRAGE ET MÉDIATION
DES CHEMINS DE FER DU CANADA

 

CAUSE NO. 4465-A

 

Entendue à Edmonton, le 13 juillet 2016

 

Opposant

 

LA COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

Et

 

LA CONFÉRENCE FERROVIAIRE DE TEAMSTERS CANADA

 

LITIGE :

 

            Sanction attribuée au dossier de monsieur Jean-Philippe Duchemin à compter du 3 août 2014.

 

EXPOSÉ DES FAITS DE SYNDICAT :

 

            Le 7 août 2015, monsieur Duchemin est tenu de produire une déclaration pour sa « présumée violation de la règle générale A X11 du REFC alors que vous étiez agent de triage sur l'affectation YGUS-30 le 3 août 2014 à triage Garneau ». Suite à cette enquête, la Compagnie lui impose 10 mauvais points.

            Il est à remarquer que ce grief n'a pas fait l'objet d'un appel au stade 2 de la Procédure de règlement des griefs dans les délais prescrits en raison d'un manquement de la part du représentant syndical intérimaire, mais fut présenté par le président du Comité local d'ajustement à son retour en poste.

            Le Syndicat soumet que monsieur Duchemin n'a pas utilisé son appareil téléphonique lorsqu'il était en service, il a simplement omis de le replacer dans son sac après le lunch.

            Le Syndicat estime que dans les circonstances, une réprimande aurait suffi et demande l'annulation des 10 mauvais points attribués au dossier de monsieur Duchemin. Le Syndicat demande respectueusement à l'Arbitre d'entendre la cause.

            La Compagnie rejette la demande du Syndicat.

 

POUR LE SYNDICAT :                                       POUR LA COMPAGNIE :

Président, Comité général d’ajustement         titre

(SGN.) D. Joannette                                           (SGN.)

 

Représentaient la Compagnie :

A.     Daigle                                      – Directrice Relations de Travail, Montréal

O. Lavoie                                        – Directeur Relation de Travail, Montréal

 

Et représentaient le Syndicat :

S. Beauchamp                               – Avocat, Montréal

D. Joannette                                   – Président Général, Québec

J. P. Duchemin                              – Employé, Shawinigan

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

            En l’espèce, l’objection préliminaire relative au non-respect des délais d’arbitrage a été rejetée le 16 mai 2016[1] et la soussignée a donc compétence pour disposer du litige sur le fond.

 

            M. Jean-Phillippe Duchemin est chef de train et est affecté à la gare de triage de Garneau. Il est employé de la Compagnie depuis 2013.

 

            Le 3 août 2014, lors d’une vérification de routine, le superviseur Alain Brassard constate que le plaignant a son cellulaire et lui demande de le lui montrer. Ce dernier collabore et le lui remet. L’inspecteur constate que ledit cellulaire est ouvert. L’Employeur convoque le plaignant en enquête et lui impose 10 points de démérite, jugeant que le plaignant a enfreint la Règle A (xii). Cette règle stipule clairement qu’il est interdit aux membres du personnel d’échanger des messages textes lorsqu’ils sont en service, sauf si un tel échange de messages est relié à l’exploitation ferroviaire et que l’utilisation a été autorisée par un superviseur.

 

            Ainsi, à défaut d’une autorisation, les appareils doivent être fermés sur les lieux du travail où il y a circulation des trains, des transferts ou des locomotives. La Compagnie précise aussi en note de bas de page au manuel que, selon cette règle, les membres d’une équipe de trains ne doivent pas avoir avec eux des appareils de communication ou de divertissement personnels ou des dispositifs similaires lorsqu’ils sont de service. Ainsi, l’employé doit lorsqu’il arrive sur les lieux du travail, laisser son cellulaire fermé dans son sac de travail ou le déposer dans son véhicule ou dans son casier, ou dans un endroit auquel il n’aura pas accès pendant le travail.

 

            Il est aisé de comprendre que cette règle vise à minimiser les possibilités de distraction sur les lieux de travail alors que les employés doivent être très vigilants, et ce en raison de l’environnement à l’intérieur duquel ils travaillent.

 

            La Compagnie impose donc au plaignant 10 points de démérite, jugeant que le plaignant a enfreint la règle en ayant avec lui son cellulaire sur les lieux de travail et de surcroit « ouvert ». À sa défense, le plaignant soutient qu’il a oublié son cellulaire après le diner et l’a donc apporté avec lui, par inadvertance. Le Syndicat soutient essentiellement que la mesure est excessive et qu’une réprimande aurait été plus juste dans les circonstances.

 

            Dans l’affaire CROA&DR 4090, l’arbitre Picher souligne que cette règle est « capitale » et substitue le congédiement en une suspension de plus d’une année notamment en raison du fait que le plaignant avait échangé des textos au cours de l’incident. Dans une autre affaire, l’arbitre Picher maintient le congédiement du plaignant notamment en raison du fait qu’il a utilisé son cellulaire et que cette opération a été source d’une distraction entrainant des conséquences sérieuses.

 

            Les règles de sécurité ou d’opérations visent essentiellement à éviter la survenance d’accidents mineurs ou majeurs. Ces dernières résultent souvent d’une expérience passée et le respect intégral de ces mesures est au cœur des opérations de l’entreprise. Il en va de la sécurité des employés et des citoyens. La Compagnie doit donc pouvoir compter sur la collaboration et l’adhérence de ses employés à ces règles, dont certaines sont considérées comme plus importantes que d’autres.

 

            En l’espèce, le plaignant n’a pas utilisé son cellulaire, mais il aurait pu le faire, l’ayant sur lui et ouvert. Bien que son explication soit plausible (un oubli), vu l’importance de ladite règle, une certaine sévérité s’impose, et ce afin d’en assurer le respect. Il est donc important que les employés prennent l’habitude de ne pas apporter avec eux, à moins d’une autorisation, leur cellulaire sur les lieux de travail rencontrant les paramètres définis par l’Employeur.

 

            En somme, à la lumière de la jurisprudence rendue à ce jour, j’estime que la sanction imposée par l’Employeur est dans les circonstances justifiée, soit 10 points de démérite.

 

            Pour tous ces motifs, le grief est rejeté.

Le 20 juillet, 2016                                                                                                        L’ARBITRE

                                                                                                                        ___ _____________
MAUREEN FLYNN



[1]   Voir BAMCFC 4465.